Artiste, compositrice de musique électronique, musicienne et enseignante états-unienne.
Précurseuse des sound artists, Pauline Oliveros cofonde en 1962 le San Francisco Tape Music Center, un studio d’enregistrement autogéré dans lequel elle se livre, à l’aune de collaborations avec Steve Reich, Terry Riley ou Morton Subotnick, à de nombreuses expériences sur bandes magnétiques au fondement de la musique électronique contemporaine. Alors que le Tape Music Center rejoint le Mills College, à Oakland, en Californie en 1965, elle en devient la première directrice.
Attirée par les idées égalitaires et radicales énoncées par Valerie Solanas dans le SCUM Manifesto (1968), P. Oliveros développe un fort engagement féministe tout au long des années 1960. En 1970, elle fait paraître une tribune dans le New York Times, « And Don’t Call Them “Lady” Composers [et ne les appelez pas “femmes” compositeurs] », dans laquelle elle s’interroge sur l’absence de femmes parmi les grandes figures de la musique, à la manière d’une Linda Nochlin pour les arts plastiques la même année.
To Valerie Solanas and Marilyn Monroe, in Recognition of their Desperation (1970) est sa première composition ouvertement féministe. Pièce pour six musicien·ne·s, il s’agit pour eux·elles d’écouter ceux·celles qui jouent à leurs côtés et de se laisser influencer par leur jeu dans un esprit de non-hiérarchie radicale, inspiré par les noms féminins évoqués dans le titre et leurs demandes désespérées de reconnaissance et d’égalité. Ainsi, la pièce prône l’écoute des autres comme principe essentiel de la partition, plutôt que la virtuosité de chaque performeur·euse. La dynamique entre le groupe et les inventions individuelles des musicien·ne·s est à l’image du développement du mouvement des femmes à la même époque, conscient de la nécessité de l’action collective au-delà de la mise en avant de personnalités charismatiques.
P. Oliveros procède ainsi à un renversement conceptuel des règles implicites de la performance musicale, issu de réflexions féministes qu’elle applique tout au long de sa carrière en encourageant le travail d’autres femmes. En 1971, dans le sillage des protestations contre la guerre du Vietnam auxquelles elle assiste sur le campus de l’University of California à San Diego où elle enseigne depuis 1967, elle fonde le ♀ Ensemble. Elle développe à partir d’improvisations en groupe ses Sonic Meditations, véritables activités conceptuelles qui interrogent les effets de domination et d’autorité, dans l’idée démocratique d’ouvrir la composition musicale au plus grand nombre. Ainsi, sa courte pièce Native (1971) enjoint les participant·e·s à « faire une balade à pieds la nuit. Marcher si silencieusement que la plante des pieds devienne des oreilles ». Le principe d’écoute comme rituel et comme soin, en lien avec la méditation, trouve son expression la plus complète dans l’invention de ce qu’elle nomme le deep listening, c’est-à-dire la nécessité « d’écouter de toutes les façons possibles toutes les choses possibles, afin d’entendre, quoi qu’on soit en train de faire ». En 1985, elle fonde la Pauline Oliveros Foundation, plus tard devenue le Deep Listening Institute à Kingston (NY). En 2015, l’organisation à but non lucratif devient le Center for Deep Linstening à Troy (NY), il abrite toujours un label musical et une résidence d’artistes, et organise des workshops et des retraites. Le Pauline Oliveros Trust continue à promouvoir l’héritage intellectuel et artistique de l’artiste en soutenant la parution de textes et le Ministry of Maat.
Tom Service écrit à propos de la musique de l’artiste : « L’écoute d’Oliveros englobe le monde entier, elle ne vous sépare pas de lui ; le bruit de la politique, de l’identité et de la représentation fait partie de ce qu’elle entend ».