Barker Sheila et Cinelli Luciano (dir.), Artiste nel chiostro. Produzione artistica nei monasteri femminili in età moderna [Les artistes au cloître. La production artistique dans les couvents féminins à l’époque moderne], Florence, Nerbini, 2015
→Nelson Jonathan (dir.), Plautilla Nelli (1524-1588): the Painter-Prioress of Renaissance Florence, Florence, Syracuse University in Florence, 2008
→Nelson Jonathan (dir.), Suor Plautilla Nelli (1523-1588), The First Woman Painter of Florence, Washington, Cadmo, 2000
Navarro Fausta, Plautilla Nelli. Arte e devozione sulle orme di Savonarola [Plautilla Nelli : Art et dévotion sur les traces de Savonarole], cat. exp., Gallerie des Offices, Florence, 8 mars – 3 juin 2017, Livorno, Sillabe, 2017
Peintre italienne.
Issue d’une famille de marchands, Polissena Nelli entre à l’âge de quatorze ans au couvent dominicain Santa Caterina da Siena, à Florence, voisin du couvent masculin de San Marco. Elle y demeure sa vie durant et en est la prieure à plusieurs reprises. Si l’on connaît bien la production artistique des Frères prêcheurs – de Fra Angelico (1395-1455) à Fra Bartolomeo (1472-1517) –, celle des religieuses de l’ordre de saint Dominique reste discrète. Sœur Plautilla en est pourtant la figure la plus emblématique. À son arrivée, le couvent est un lieu de création artistique, conformément aux préceptes de son fondateur, le frère Jérôme Savonarole, dont P. Nelli a peut-être peint un portrait d’après un modèle antérieur. S’il récusait les formes mondaines de l’art, l’intransigeant réformateur encourageait en effet les religieux et religieuses à s’exercer au dessin, à la peinture et au modelage, pourvu que leurs œuvres soient exclusivement religieuses et d’un caractère simple, austère et didactique. Dès le début du XVIe siècle, le couvent accueille ainsi un nombre croissant de jeunes filles issues de milieux artisanaux, notamment du secteur du livre, déterminées à pratiquer la miniature, la peinture ou la sculpture en terre cuite. Sœur Plautilla se forme dans ce contexte, peut-être au contact direct des peintres de San Marco, assurément d’après les dessins, cartons et modèles de Fra Bartolomeo, alors conservés à Sainte-Catherine. Elle pratique également la copie en ville, d’après les maniéristes florentins, la clôture stricte n’ayant été imposée aux religieuses qu’en 1577.
En marge des canons du maniérisme, P. Nelli élabore une main dévote, dans le droit fil des prescriptions de la réforme tridentine. Elle produit des images pieuses destinées à la contemplation des sœurs : enluminures d’antiphonaires mais aussi grandes compositions historiées, dont la Cène monumentale du réfectoire du couvent (vers 1550-1558, aujourd’hui à la basilique Santa Maria Novella). En parallèle, elle développe une production artistique tournée vers l’extérieur. Ses œuvres trouvent acquéreur auprès d’églises et de commanditaires issus de la noblesse florentine, en particulier des femmes dont les filles ont pris le voile à Sainte-Catherine. Ces réseaux féminins contribuent largement au rayonnement spirituel mais aussi économique du couvent.
Si la majorité des œuvres que Giorgio Vasari attribue à P. Nelli sont perdues, quelques pièces majeures ont été conservées : outre la Cène, une Lamentation sur le Christ mort, sans doute d’après des cartons d’Andrea del Sarto (1486-1530 ; conservée à Florence, Museo di San Marco). Dans cette dernière, l’anatomie du Christ trahit l’usage d’un modèle féminin. Les recherches récentes, en particulier l’exposition organisée aux Offices en 2017, Plautilla Nelli. Arte e devozione sulle orme di Savonarola [Plautilla Nelli. Art et dévotion sur les traces de Savonarole], commencent à reconstituer son corpus : tableaux d’autel, petites peintures de dévotion (Annonciations, figures de saintes dominicaines), illustrations hagiographiques et dessins. Cette redécouverte a conduit à la restauration majeure de la Cène de Santa Maria Novella. Ces travaux ont également mis en lumière la logique collective de la pratique artistique de la religieuse : P. Nelli travaillait en communauté, selon un modèle d’atelier monastique, fondé sur la répétition d’archétypes. Elle semble avoir animé une véritable officine sacrée dont la production sobre, tournée vers la spiritualité dominicaine, incarne le revival savonarolien qui marque les Prêcheurs florentins à l’époque tridentine.
Une notice réalisée en partenariat avec le musée du Louvre.
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