Nicolas Bourriaud, Frédéric Fournier, Rebecca Bournigault, Paris, A. Rech / Images modernes, 1999
Rebecca Bournigault, galerie Deux, Tokyo, 1998
→La Chambre interdite, palais de Tokyo, Paris, 2005
→Du Désert et des Oasis, Centre d’art de Neuchâtel, Neuchâtel, 2011
Plasticienne française.
Diplômée de l’École nationale supérieure d’art de Bourges, cette « portraitiste contemporaine », telle qu’elle se définit elle-même, utilise la vidéo, la photo ou l’aquarelle. Elle fait connaître ses travaux dès 1994, et participe à deux expositions au musée d’Art moderne de la Ville de Paris, dont L’Hiver de l’amour, une manifestation qui dresse le bilan de l’art au temps du sida. Ses vidéos reformulent le registre du portrait, repoussant toute formulation spectaculaire dans la pose, pour devenir des « bouts d’essai » en plans fixes et sans montage, où les modèles sont poussés à leurs limites : chanter en play-back leur chanson favorite (Playback, 1995) ou bien répéter une histoire personnelle jusqu’à l’écœurement et le refus (Histoires, 1994). Dans ce laboratoire de l’intime, une expérience se noue entre les sujets filmés et les desiderata de l’artiste, auxquelles ils ne sont pas préparés, telles que dire « Je t’aime » (Je t’aime, 1999) ou répondre à la question « Quelle est ta raison de vivre ? » (Vive, 2002-2005).
Ces actions que la vidéaste demande à ses modèles d’exécuter devant la caméra, non pas une, mais maintes fois, expriment toujours un réel sans nécessité d’explication, et dont la durée se fait hypnotique. Lorsque l’artiste change de médium et utilise l’aquarelle, elle brosse des portraits alliant fantasmes et réalité : l’incantation contenue dans ses longues vidéos se transmet alors au trait et à la charge du pinceau. En 2005, elle investit une salle du palais de Tokyo (Paris) avec La Chambre interdite, une installation vidéo composée de quatre portraits projetés chacun sur un mur : quatre personnes d’origines différentes racontent simultanément, dans leur langue, un conte pour enfants ayant trait à l’interdit ; à un moment donné de leur narration, les conteurs ont la tête tranchée ; tandis que le récit se poursuit, l’écran devient un espace saturé de rouge. À l’occasion de sa première exposition personnelle, Six cent quarante-quatre millimètres, en 2007 à la galerie Frédéric Giroux, R. Bournigault présente des aquarelles où figurent des couples. L’année suivante, elle revient au thème warholien de la durée comme milieu – un milieu dépourvu de tout centre. Sa vidéo de 60 heures montre le temps réel passé par un jeune lecteur pour venir à bout d’À la recherche du temps perdu. Le thème de l’œuvre proustienne trouve ainsi l’un de ses prolongements contemporains dans ces moments de lecture, faits pour être à leur tour partagés à l’écran.