McQuaid, Matilda, Brown, Susan, Color Moves: Art and Fashio by Sonia Delaunay, New York, Smithsonian Cooper-Hewitt, National Design Museum, 2011.
→Baron, Stanley, Dolski, Robert (trad.), Sonia Delaunay : sa vie, son œuvre (1885-1979), Paris, J. Damasse, 1995
→Damasse, Jacques, Sonia Delaunay : rythmes et couleurs, Paris, Hermann, 1971
Sonia Delaunay, Louisiana Museum of Modern Art, Humlebæk, 12 février – 12 juin 2022
→Sonia Delaunay, Tate Modern, Londres, 15 avril – 9 août 2015
→Sonia Delaunay, Gimpel & Hanover Galerie, Zurich, octobre 1965, Gimpel Fils Gallery, Londres, février 1966
Peintre, artiste textile et décoratrice russe.
Sarah Stern, que l’histoire connaîtra sous le nom de Sonia Delaunay, a passé sa petite enfance en Ukraine. À 5 ans, prise en charge par son oncle maternel Henri Terk, elle prend le nom de Sonia Terk et s’en va vivre à Saint-Pétersbourg. Elle suit une formation artistique à Karlsruhe en Allemagne à partir de 1903, puis s’installe à Paris en 1905, où elle étudie le post-impressionnisme et le fauvisme français, sans se départir du souvenir des icônes aux plages de couleurs vives de la tradition slave. Elle réalise alors une série de portraits expressionnistes au chromatisme fort (Philomène, 1907).
Après un bref mariage pour convenance administrative avec le galeriste allemand Wilhelm Uhde, elle divorce et épouse Robert Delaunay (1885-1941) en 1910, union dont naîtra leur fils Charles en 1911.
Dans le contexte des origines de l’abstraction, le couple crée ce que Guillaume Apollinaire appelle « orphisme » et que les Delaunay qualifient plus souvent de « simultanisme » ou « simultanéisme » : un art dont le pouvoir constructif et dynamique repose sur la couleur et non sur la forme, ni même sur le sujet. L’artiste, quant à elle, vise une synthèse de la peinture avec ce qu’on n’appelle pas encore le « design » mais les arts appliqués : ainsi, parallèlement à ses toiles de l’époque comme Prismes électriques (1914), elle confectionne ses premiers habits et objets, qu’elle intitule « simultanés ». De 1914 à 1921, les Delaunay vivent au Portugal puis en Espagne. Elle peint des natures mortes, des paysages colorés, et prolonge ses expérimentations sur les tissus, les foulards, les poteries et les objets qu’elle achète sur les marchés populaires. La révolution d’Octobre (1917), que le couple accueille avec joie, met fin aux rentes de la famille en provenance de Saint-Pétersbourg. Aussi, après avoir expérimenté le décor et la réalisation de costumes pour les Ballets russes (Cléopâtre, Londres, 1918), elle ouvre la Casa Sonia (1918-1921) à Madrid, une boutique d’accessoires de mode et de décoration intérieure, qui se révèle un succès.
De retour à Paris en 1921, c’est par le biais des spectacles dadaïstes et des bals russes qu’elle présente ses produits – vêtements, entre autres –, avant d’ouvrir en 1924 un atelier de fabrication de textiles, l’atelier Simultané, puis La Maison Sonia (1925-1931). À l’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes de 1925, elle présente ses modèles au sein de la boutique Simultané, des confections luxueuses saluées par la presse internationale. Durant la même année, elle réfléchit au moyen de démocratiser la mode avec l’invention du « tissu-patron » – un tissu déjà découpé aux formes du vêtement.
Parallèlement à ces créations qui relèvent autant du vocabulaire constructiviste russe que de la richesse ornementale de l’Art déco, la problématique abstraite se retrouve dans la présentation des vitrines de mode et de ses Groupes de femmes peints. La crise économique précipite la fermeture de la boutique Simultané en 1930, mais l’atelier reste en activité jusqu’en 1934 : l’artiste adopte alors le langage abstrait strict et épuré, caractéristique de la peinture concrète des années 1930. Les moyens d’expression du métier sont, aux yeux du couple, aussi importants que l’impératif formel de l’abstraction. Avec son projet d’un phalanstère d’artistes à Nesles-la-Vallée, R. Delaunay proclame l’ère du « Modern Age » et le retour à l’artisanat.
Engagés dans la cause de l’art mural, les Delaunay participent à de grands projets collectifs. Ils fondent notamment avec l’architecte et décorateur Félix Aublet l’association Art et Lumière qui signe la décoration des pavillons de l’Air et des Chemins de fer de l’Exposition internationale des arts et des techniques de 1937, où ils remportent une médaille d’or.
Après le décès de son époux, survenu en 1941, S. Delaunay se bat pour que l’œuvre de celui-ci soit reconnue. Elle continue aussi de créer, tant des objets du quotidien que des projets d’intégration architecturale. Elle adhère aux différentes factions de l’art abstrait et participe aux expositions de la galerie Denise René au moment où l’abstraction géométrique se renouvelle sous l’impulsion de l’art optique. Avec la collaboration de la galerie Artcurial, elle édite des lithographies et des articles dérivés de ses recherches de l’entre-deux-guerres, production qui nourrit encore aujourd’hui le débat sur la reproductibilité de l’œuvre d’art. Avec son fils Charles, l’artiste effectue plusieurs donations importantes. Elle exécute sa dernière gouache quelques semaines avant de s’éteindre. Un an après sa mort, une rétrospective itinérante lui rend hommage aux États-Unis.