« Epilogue: A Conversation between Val Ravaglia and Suzanne Treister », dans Electric Dreams: Art and Technology Before the Internet, cat. exp., Tate Modern, Londres, 28 novembre 2024 – 1er juin 2025, Londres, Tate Modern, 2024
→Marie Lechner, « Le tarot comme outil de réflexion non linéaire, chez Suzanne Treister », Jouer/Déjouer, Issy-les-Moulineaux, Musée français de la carte à jouer, 13 décembre 2024
→Patricia Domínguez et Suzanne Treister, « Dreaming at CERN », Burlington Contemporary, 12 septembre 2024
Suzanne Treister, Modern Art Oxford, Oxford, octobre 2025 – janvier 2026
→Electric Dreams: Art and Technology Before the Internet, Tate Modern, Londres, novembre 2024 – juin 2025
→Extension du domaine du jeu, Le Nouveau Festival, Centre Pompidou, Paris, juin-juillet 2015
Artiste para-média britannique.
Suzanne Treister (London Saint Martin’s School of Art et Chelsea School of Art) vit entre Londres et les Pyrénées françaises.
Les premiers contacts de S. Treister avec la culture numérique remontent à la fin des années 1980, dans les video game arcades de Soho, à Londres. La jeune peintre s’intéresse à la physicalité de la machine, à l’esthétique pop des images générées par ordinateur et à l’imaginaire vidéoludique de la guerre et de la violence qu’elles véhiculent. Éblouie par les possibilités permises par les boîtes à outils des éditeurs graphiques, elle acquiert un ordinateur personnel en 1991. La rencontre avec ce qu’elle considère alors comme le stade le plus avancé de la technologie crée chez elle un rapport à la technologie empreint de fascination, de projection, de mysticisme et de défiance, qui infuse toute son œuvre.
À travers une approche holistique, S. Treister travaille sur la technologie, traçant une ligne de tension entre son potentiel et les risques qu’elle comporte pour la société. Ses séries de collages numériques, des captures d’écran fictives reproduisant l’esthétique des jeux vidéo augmentées de textes, posent les bases – d’une démarche dans laquelle la dimension psychanalytique le dispute à la projection futuriste ou à la prophétie. Si son entrée dans le monde des nouveaux média est aussi singulière, c’est peut-être parce qu’elle manifeste dès l’origine un intérêt pour la théorie psychanalytique, une obsession pour l’Holocauste et l’Europe de l’Est et un goût pour la littérature de science-fiction. Elle prend rapidement la dimension des possibilités narratives qu’offrent les outils numériques pour échapper à la linéarité et naviguer entre différentes dimensions et espaces-temps : « la narrativité et la “réalité” devenaient fluides et mutables »,explique-t-elle. En 1995, elle crée un site Web, intitulé Would you recognize a virtual paradise?, qui met en application cette narration interactive, rhizomatique et hypertextuelle. En réalité, son alter ego Rosalind Brodsky (Time Traveling with Rosalind Brodsky, 1995-2006) s’incarne à travers des costumes-sculptures augmentées de divers composants électroniques.
Effet générationnel, les travaux de S. Treister sont imprégnés de l’utopie qui accompagne la massification des outils informatiques au mitan des années 1990. Elle vit en Australie quand elle découvre l’usage du courrier électronique. Elle est séduite par l’effet de proximité que procure l’outil mais reste très critique quant aux origines militaires d’Internet. Alors que les gouvernements et les grandes entreprises monopolisent progressivement les sciences et les technologies et prennent le contrôle de leurs développements, S. Treister délaisse les outils informatiques pour revenir notamment au dessin.
Entre 2009 et 2011, S. Treister réalise HEXEN 2.0, une série de diagrammes et de dessins explorant l’histoire de la cybernétique, ses liens avec l’informatique, Internet, l’armée et la contre-culture pour montrer comment le Web 2.0 fonctionne comme un système de contrôle sociétal. HEXEN 2.0 est produit sous la forme d’un tarot inspiré du tarot de Marseille.
La série de dessins graphiques HFT The Gardener (2014-2015) croise la traduction ésotérique, la cybernétique de la conscience et les esthétiques hallucinatoires qui émanent des circulations réelles du pouvoir. Son personnage fictif, Hillel Fischer Traumberg, un trader à haute fréquence algorithmique (HFT), expérimente des drogues psychoactives et explore l’ethnopharmacologie de plus d’une centaine de plantes psychoactives.
L’artiste est convaincue de l’idée qu’il faut élaborer des plans pour « l’après ». Ainsi, sa récente série de dessins et diagrammes HEXEN 5.0 (2025) reprend la forme d’un jeu de tarot, en prolongeant et en mettant à jour HEXEN 2.0, notamment en y intégrant la blockchain, les sciences du système terrestre ou les communications quantiques interplanétaires. Conçu comme un outil pour échanger, apprendre et imaginer des futurs vivables, HEXEN 5.0 mise sur la puissance de l’optimisme et de l’empathie pour contribuer activement à imaginer des futurs alternatifs.
Une notice réalisée dans le cadre du programme “Vivre avec deux cerveaux : Artistes femmes dans les nouveaux médias, années 1960 -1990”
© Archives of Women Artists, Research and Exhibitions, 2025