Hein, Laura, Jennison, Rebecca (dir.), Imagination without borders: Feminist Artist Tomiyama Taeko and Social Responsibility, Michigan, Michigan Publishing – University of Michigan Press and Center for Japanese Studies, 2010
→Hagiwara, Hiroko, “Off the Comprador Ladder”, in Disrupted Borders: An Intervention in Definitions of Boundaries, Londres, Rivers Oram Press, 1993
→Jennison, Rebecca, “Remembering as Resistance: The “Shaman” and the “Fox” in the Art of Tomiyama Taeko”, in Journal of Kyoto Seika University, n°25, Kyoto, Kyoto Seika University, 2003
To Turbulent Seas of Memory: The World of Tomiyama Taeko, Yonsei University Museum, Séoul, South Korea, mars – juin 2021
→Tomiyama Taeko: The End of the Beginning or the Beginning of the End?, Maruki Gallery, pour The Hiroshima Panels, Saitama, Japon, novembre 2016 – janvier 2017
→Tomiyama Taeko: Revelation for the Modern Era, Tokyo Art Museum, Chofu, Japon, avril – mai 2013
Peintre et plasticienne japonaise.
Taeko Tomiyama naît au sein d’une famille moderne et cultivée. En 1933, du fait du travail du père, celle-ci part pour la Chine. T. Tomiyama grandit dans les villes de Dalian et Harbin, qui appartiennent alors à la Mandchourie. Elle retourne au Japon en 1938 pour intégrer l’Académie des beaux-arts des femmes Joshibi à Tokyo, mais elle ne termine pas le cursus, car les méthodes dépassées de l’école la déçoivent. Parce qu’elle a vécu dans de nombreux endroits, T. Tomiyama rencontre beaucoup de gens de différentes cultures, ce qui lui fait prendre conscience des discriminations qui sévissent dans son pays et l’aident à résister à l’assimilation par l’impérialisme et le militarisme japonais. Se remémorant sa jeunesse, son expérience de la colonisation par l’empire du Japon et la guerre, elle décide de consacrer son œuvre aux problématiques sociales et s’efforce de révolutionner le milieu de l’art avec des productions d’avant-garde.
Après la défaite du Japon lors de la Seconde Guerre mondiale, T. Tomiyama gagne sa vie en publiant des illustrations et des rapports. Elle présente également ses œuvres dans le cadre de grandes expositions collectives, comme celle de Jiyū Bijutsu Kyōkai (Association d’art libre) et de Nihon-Bijutsu-kai (Association d’art du Japon) jusqu’au milieu des années 1970.
Dans les années 1950, l’artiste visite des villages miniers ; les souffrances provoquées par la nouvelle politique énergétique du Japon y donnent naissance à des mouvements ouvriers et culturels. Pendant des années, elle publie des œuvres représentant des mines, dont Hitachi kōzan [Mine de cuivre d’Hitachi, 1952]. Ensuite, comme beaucoup de mineurs et mineuses, elle part en Amérique latine pour un an et y découvre la fracture Nord-Sud, les inégalités, le racisme et l’impérialisme de l’Europe occidentale. Elle commence aussi à se rendre compte des problèmes posés par l’occidentalisme du monde de l’art japonais.
À son retour au Japon dans les années 1960, elle participe au mouvement civil contre la guerre du Vietnam et prend conscience de la situation politique en Corée. Elle se sent personnellement responsable du colonialisme japonais qui a causé la partition du pays.
Dans les années 1970 et au début des années 1980, elle crée des lithographies à partir de la poésie du prisonnier politique sud-coréen Kim Ji-ha et contribue à sensibiliser la communauté internationale sur le sort des prisonnières et prisonniers politiques et des personnes faussement accusées d’espionnage par le gouvernement militaire coréen (voir photo de T. Tomiyama militant contre la torture à Shinjuku, à Tokyo, en 1975). C’est à cette époque qu’elle quitte les groupes consacrés à l’art et qu’elle commence à exposer dans des lieux liés aux mouvements civiques et à collaborer avec des artistes d’autres disciplines.
A la même époque, elle abandonne la peinture à l’huile au profit de la lithographie et se consacre à la création de diapositives, de poèmes, de tableaux et de disques, comme Ballad for Victor Jara’s Broken Hands 2 [Ballade pour les mains brisées de Victor Jara 2, 1973] qui s’inspire du poème « Mukk-in sondeul-ui gido » [Prière des mains enchaînées] de Kim Ji-ha. Ces œuvres, moins longues à créer et plus faciles à transporter et dissimuler, sont livrées sur les lieux de mouvements démocratiques asiatiques, par exemple en Corée, en Thaïlande et dans les Philippines. Ainsi, lors du soulèvement de Gwangju, en Corée du Sud, en mai 1980, elle réagit rapidement et réalise des diapositives de ses lithographies, qui sont montrées dans les mouvements de solidarité avec Gwangju au Japon et ailleurs (Taoreta mono e no kitō 1980-nen 5 tsuki Kōshū [Requiem pour Gwangju II, 1980]).
Depuis le milieu des années 1980, soucieuse de combattre le révisionnisme, T. Tomiyama traite des sujets comme l’esclavage sexuel pratiqué par l’armée japonaise (les « femmes de réconfort ») dans Minamitaiheiyō no kaitei de [Au fond du Pacifique, 1985] et Garungan no matsurinoyoru [Nuit du festival de Garungan, 1986] ou la mort d’un mineur coréen emmené de force au Japon dans Bitter Resentment Deep in the Soil [Amer ressentiment dans la profondeur du sol, 1984]. D’autres œuvres dépeignent une société japonaise préoccupée par l’économie ou des travailleurs et travailleuses immigrés de Thaïlande ou de Mandchourie (Kikka gen’ei [Illusion de chrysanthèmes, 1998] et Iwai shussei [Adieux à un soldat, 1994]). L’artiste réalise aussi plusieurs collages et peintures à l’huile évoquant les problématiques sociales des années 2010, comme Kurashisu : Umi to sora e no inori [Crise : prière à la mer et au ciel, 2012].
En reconnaissance de son soutien au mouvement démocratique coréen, T. Tomiyama reçoit l’ordre du mérite civil de l’État coréen en juin 2021.
Une notice réalisée dans le cadre du réseau académique d’AWARE, TEAM : Teaching, E-learning, Agency and Mentoring
© Archives of Women Artists, Research and Exhibitions, 2022