Teresa Zarnowerowna, Warsaw Accuses, New-York, Library of the Polish Ambassy, 1945
→Teresa Żarnowerówna, Constructivism in Poland 1923–1936, cat. exp., Cambridge, Kettle’s Yard Gallery, 1923, p. 25–27
Teresa Żarnowerówna (1897-1949). An Artist of the End of Utopia (retrospective), Łódź, Museum of Modern Art, septembre 2014
→Exhibition by Mieczysław Szczuka and Teresa Żarnowerówna, Galerie der Sturm, Berlin, 1923
Peintre et sculptrice polonaise.
Teresa Żarnowerówna figure majeure de l’avant-garde polonaise de la première moitié du XXe siècle, cofondatrice de différents groupes constructivistes, créatrice de sculptures abstraites et de peintures expérimentales et artiste politiquement engagée à gauche. Elle conçoit des affiches et des photomontages, des compositions typographiques pour des revues et des livres et s’intéresse au graphisme et à l’architecture.
Née dans une famille juive à Varsovie, elle étudie, entre 1916 et 1921, la sculpture à l’Académie des beaux-arts de Varsovie. Dans ses premières œuvres individuelles, l’artiste renoue avec les sculptures d’Alexander Archipenko (1887-1964) et de Jacques Lipchitz (1891-1973). Lors de l’exposition du Nouvel Art à Vilnius en 1923, inaugurant l’histoire du constructivisme polonais, elle présente des compositions typographiques abstraites et des esquisses spatiales et, la même année à Berlin, à la galerie der Sturm, des sculptures et des projets architecturaux. En mars 1924, elle fonde le groupe Blok réunissant des constructivistes et des cubistes et lance une revue au titre éponyme. Parmi ses collaborateurs et collaboratrices les plus proches se trouvent Mieczysław Szczuka (1898-1927), son ami, ainsi que des artistes d’avant-garde dont Władysław Strzemiński (1893-1952), Katarzyna Kobro (1898-1951), Henryk Stażewski (1894-1988), Henryk Berlewi (1894-1967) mais aussi Anatol Stern et Aleksander Wat, des poètes futuristes.
En 1927, M. Szczuka fonde et dirige la revue artistique et littéraire Dźwignia [Levier], proche du Parti communiste. Après sa mort tragique, T. Żarnowerówna reprend la direction de la revue. Elle se rapproche de militant·e·s du mouvement ouvrier. En 1928, lors de la campagne électorale pour les deux chambres de la Diète polonaise, elle réalise les affiches et les tracts pour le comité de l’Union ouvrière et paysanne (Komitet jedności robotniczo-chłopskiej). Une année plus tard, elle réalise un photomontage pour la couverture d’Europe, poème d’Anatol Stern, œuvre majeure du constructivisme polonais. Elle y dépeint un monde capitaliste décadent qui tend vers sa chute. Souffrant d’une dépression depuis le début des années 1930, l’artiste créé de moins en moins. En 1937, elle part en France où elle s’installe. C’est là qu’elle apprend la mort dans les camps d’extermination de sa famille restée en Pologne et conçoit entre 1940 et 1942 un cycle dramatique de photomontages illustrant l’ouvrage La Défense de Varsovie.
Avec la capitulation de la France en juin 1940, l’artiste entame une longue errance au cours de laquelle elle se rend d’abord dans le sud de la France, puis à Lisbonne. Elle ne prend avec elle que quelques photographies de ses premières sculptures. À Lisbonne, des centaines de réfugié·e·s, attendent le visa pour les États-Unis. En décembre 1941, elle réussit à embarquer mais on lui refuse l’entrée aux États-Unis. Elle part à Montréal, et n’arrive finalement à New York qu’en 1943. De cette période, peu d’œuvres de l’artiste sont conservées. Celles que nous connaissons sont empreintes d’un dramatisme croissant. La mort, le désespoir et l’épouvante sur fond de l’Holocauste restent les motifs principaux de ses dessins expressifs à l’encre et de ses gouaches. Quant aux séries créées après 1944, plus proches de la déformation surréaliste, il est difficile de dire si au milieu des formes tortueuses et des éclaboussures de couleurs, il y a encore une figure matérielle ou si seule y persiste sa trace éphémère. En 1946, à l’occasion de l’exposition de l’artiste à la galerie Art of This Century à New York, Barnett Newman écrit : « Teresa Żarnower, (…) est peut-être la dernière artiste européenne de taille arrivée ici pendant la guerre (…). À présent, dans la première exposition qu’elle fait ici, elle sent que dans un monde qu’elle a vu s’effondrer, il ne suffit pas de recourir à la tragédie personnelle et à des constructions puristes et que le désir d’une absolue pureté peut être une illusion totale. (…) C’est ce passage d’un langage abstrait à une pensée abstraite (…) qui font la force et la dignité de son œuvre. »
À la fin des années 1940, la situation aux États-Unis devient plus difficile. La politique anticommuniste polarise la société. Dans la peinture, on s’éloigne du figuratif tandis que l’expressionnisme abstrait devient l’unique manifestation de la liberté dans l’art. Sans commande et sans argent, l’artiste n’a pas trouvé la force de s’y confronter. En 1949, T. Żarnowerówna décède dans son appartement new-yorkais dans des circonstances encore inexpliquées.
Traduit du polonais par Agnieszka Zuk.
Publication réalisée en partenariat avec l’Institut Polonais de Paris.
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