L’enfance de Vera Dajht-Kralj se déroule dans la période tourmentée qui précède la Seconde Guerre mondiale. Sa famille juive échappe au régime des Oustachis, mais se retrouve enfermée dans des camps italiens, avant d’être finalement relâchée. En 1950, V. Dajht-Kralj obtient son diplôme de sculpture à l’Académie des beaux-arts de Zagreb, où elle termine ses ateliers de maîtrise sous la supervision des célèbres sculpteurs Frano Kršinić (1897-1982) et Antun Augustinčić (1900-1979). Elle complète sa formation  en France à l’Académie des beaux-arts de Paris de 1952 à 1953. Au moyen d’une large gamme de matériaux et de couleurs, V. Dajht-Kralj crée des œuvres de tailles diverses dans le domaine des beaux-arts et des arts appliqués.

Ses œuvres abordent les thèmes de l’amour, du désir, de la liberté et du courage. On qualifie souvent ses sculptures de poétiques, métaphoriques, archaïques et éclectiques car l’artiste s’inspire de plusieurs périodes de l’histoire de l’art. Les expérimentations et les idées qui la préoccupent — la relation à l’espace entre les sculptures et leur environnement, les espaces vides au sein des sculptures, les étranges palettes de couleurs, les métamorphoses sophistiquées — sont toujours élaborées en amont grâce à de méticuleuses études préparatoires.

V. Dajht-Kralj est l’une des rares femmes artistes à avoir réalisé des monuments publics en souvenir de la lutte pour la libération du peuple en Croatie. L’un d’eux, Spomenik palim borcima Druge moslavačke brigade i Posavskog partizanskog odreda [Monument à la mémoire des combattants tombés de la seconde brigade de Moslavina et du détachement de partisans de Posavina, 1958] à Oborovo, en Croatie, révèle la volonté de l’artiste de créer des espaces sociaux vivants dans le domaine de l’art public. En plaçant ses personnages dans le bassin plutôt que sur un piédestal, l’artiste abaisse les barrières symboliques entre la statue et les passants. Ses sculptures, telles que Prozor [Fenêtre] de 1991, sont souvent complètement immergées dans le brouhaha quotidien et communiquent étroitement avec leur environnement.

À l’inverse, ses sculptures de plus petite taille restent profondément personnelles et énigmatiques, représentant ses amours, ses amitiés, sa famille et ses ancêtres. Certains de ces projets s’élaborent de manière constante sur plusieurs décennies, comme la série Kuća predaka [Maison ancestrale], sur laquelle elle travaille à partir des années 1980 et qui lui permet d’élaborer sa propre vision du foyer.

V. Dajht-Kralj expose ses œuvres régulièrement, seule ou en groupe, dans son pays comme à l’étranger, mais sa résistance à suivre les trajectoires artistiques dominantes explique en partie son manque de reconnaissance. Cependant, le travail constant de l’organisation à but non lucratif Živi Atelje DK [Atelier vivant Dajht-Kralj], dont le siège se trouve dans l’ancien atelier de l’artiste, a mis en lumière sa carrière grâce à des recherches continues, des manifestations publiques, des publications et la numérisation d’archives. L’une des plus grandes réussites de l’organisation est sans aucun doute l’exposition posthume Ò Izvan vidljivog : javna plastika Vere Dajht-Kralj / Beyond Visible: The Public Sculpture of Vera Dajht-Kralj [Au-delà du visible : la sculpture publique de Vera Dajht-Kralj] qui s’est tenue en octobre 2018 au musée d’Architecture croate de l’Académie croate des sciences et des arts. Cette exposition a, en effet, proposé une nouvelle lecture de l’œuvre de V. Dajht-Kralj, soulignant le rôle important qu’elle a joué dans l’art croate du XX^e siècle.