Neil Jeffares, « Filleul, Mme, née Anne-Rosalie Boquet », dans Dictionary of Pastellists Before 1800, 2023
→Élisabeth Vigée Le Brun, Souvenirs de Mme Louise-Élisabeth Vigée-Lebrun, Paris, H. Fournier, 1835-1837
→Edmond Cleray, « Une amie de Madame Vigée-Lebrun : Madame Filleul », Revue des sciences politiques, 1922
→Félix Bouvier, « Une concierge de Passy en l’an II », Bulletin de la Société historique d’Auteuil et de Passy, no 49, 1904, p. 110-128
Making Her Mark : A History of Women Artists in Europe, 1400-1800, Baltimore Museum of Art, Baltimore, octobre 2023-janvier 2024 ; Art Gallery of Ontario, Toronto, mars-juillet 2024
→Peintres femmes (1780-1830). Naissance d’un combat, musée du Luxembourg, Paris, mai-juillet 2021
→Académie de Saint-Luc, 1774
Peintre, pastelliste et miniaturiste française.
Anne-Rosalie Bocquet Filleul, souvent dénommée simplement Rosalie Filleul, est une peintre, pastelliste et miniaturiste spécialisée dans le portrait et la nature morte (mais aucune œuvre de ce dernier genre n’est conservée aujourd’hui). Admise à l’Académie de Saint-Luc en 1774, elle présente la même année à l’exposition de l’Académie un portrait à l’huile de l’artiste Charles Eisen (1720-1788), avec un ensemble de pastels. Les critiques louent son talent à saisir la ressemblance. Au cours des deux décennies suivantes, elle devient étroitement associée à la cour et réalise des portraits de la famille royale.
Elle naît à Paris, où son père, Blaise Bocquet, est commerçant et fabricant d’éventails, un métier artisanal qui requiert des compétences en peinture et en dessin. Sa mère, Marie-Rosalie Hallé, a probablement reçu une formation artistique elle aussi ; son tuteur était maître menuisier et son contrat de mariage mentionne des revenus professionnels, possiblement issus de la peinture décorative. Étant donné ses origines familiales, il est possible que la jeune R. Filleul ait reçu des premiers cours de dessin à la maison. À partir de l’âge de quatorze ans au moins, elle étudie toutefois auprès du peintre d’histoire Gabriel Briard (1725 ou 1729-1777). Dans l’atelier de ce dernier débute une amitié de toute une vie avec sa camarade Élisabeth Vigée Le Brun (1755-1842). Les deux femmes sont admises en même temps, en 1774, à l’Académie de Saint-Luc et, dans les années 1770, toutes deux font des copies de portraits royaux pour les Menus-Plaisirs du Roi, la branche de l’administration qui coordonne les projets artistiques à la cour. Elles obtiennent probablement ce travail grâce à l’oncle de R. Filleul, Louis-René Bocquet (1717-1814), costumier pour les Menus-Plaisirs.
C’est peut-être au sein des Menus-Plaisirs que R. Filleul rencontre son mari, Louis Filleul de Besne, veuf et presque deux fois plus âgé qu’elle, alors employé comme concierge au château de la Muette, une résidence royale rarement utilisée. Si É. Vigée Le Brun se lamente, dans ses Mémoires, que son amie a cessé de travailler après son mariage en 1777, ce n’est en fait pas le cas. Disposant maintenant de liens renforcés avec la cour, R. Filleul exécute des portraits royaux tels que Les Enfants du comte et de la comtesse d’Artois (1781) et continue à travailler pour les Menus-Plaisirs. Elle fait également la connaissance de Benjamin Franklin, qui vit près de la Muette lors de sa mission diplomatique en France. Son portrait de Franklin, aujourd’hui au Philadelphia Museum of Art, reste son œuvre la plus connue parmi celles qui nous sont parvenues. Elle représente l’homme d’État, qui a souvent refusé de poser pour des portraits officiels, dans une conversation informelle, la chemise déboutonnée, comme il devait apparaître à ses amis. Cette peinture est un exemple typique de son style, notamment de ses poses animées et de ses surfaces lumineuses évoquant le pastel. Le portrait est ensuite reproduit en gravure, vendue dans la boutique de son père.
Après l’abandon du château de la Muette comme résidence royale en 1788, les Filleul emménagent dans une plus petite propriété des environs, l’hôtel de Travers. Son époux y meurt peu de temps après, mais R. Filleul continue à travailler et à recevoir une pension royale. Alors qu’approche la Révolution, É. Vigée Le Brun et d’autres ami·e·s fuient la France. R. Filleul, elle, reste à Paris, espérant un changement positif. Malheureusement, en 1794, sa mère, leur amie la peintre Marguerite Chalgrin (1760-1794) et elle-même sont arrêtées pour possession illégale de chandelles et de meubles royaux, désormais propriétés de la République. Elles sont guillotinées la même année.
Une notice réalisée dans le cadre du programme « Rééclairer le siècle des Lumières : Artistes femmes du XVIIIème siècle »
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