Issue de la cinquième génération africaine-américaine, Cheryl Ann Bolden consacre sa vie et sa carrière artistique à l’histoire des diasporas africaines, à leur culture et à leur héritage, en substituant un point de vue « humain » à celui de « victime » généralement accolé aux personnes esclavisées à partir du XVII^e siècle aux États-Unis.
Bien qu’elle se soit toujours senti l’âme d’une artiste, comme elle aime à le mentionner, C. A. Bolden s’oriente vers la médecine avant de découvrir les pratiques de guérison issues de l’acupuncture. Diplômée de la New England School of Acupuncture (Massachusetts) en 1978, elle commence à prodiguer des soins dans des espaces communautaires tels que des lieux d’accueil de femmes ou des centres de désintoxication. Rapidement, elle éprouve le désir de poursuivre ses études en Chine, ce qu’elle parvient à faire à l’occasion d’un programme universitaire entrepris en Alaska. Malgré son intérêt initial pour le pays, elle ne s’y plaît pas et décide d’en partir plus tôt que prévu. Elle gagne alors l’Australie, où elle rencontre des communautés aborigènes, s’initie au tissage et se met à travailler le textile.

C’est au détour d’une rencontre singulière avec Wulina, une jeune femme autochtone qui lui offre une mèche de ses cheveux, que C. A. Bolden entrevoit pour la première fois l’idée d’une collection. De retour aux États-Unis, elle s’installe à Charlottesville et devient guide à Ash Lawn-Highland, ancienne plantation du cinquième président du pays, James Monroe. Indignée par l’absence de mention de l’esclavage dans les parcours historiques proposés au public, elle entreprend d’évoquer la vie des esclaves et leur réalité au sein de ce lieu, ce qui lui vaut d’être licenciée. Elle décide alors de créer son propre espace et donne naissance en 1984 à la Bolden Gallery, où elle expose ses créations (bijoux, vêtements) ainsi que les objets historiques qu’elle a commencé à réunir. Première femme noire à tenir un commerce à Charlottesville, elle se met à collecter des documents issus de la société états-unienne esclavagiste qu’un nombre croissant de personnes lui confie. Avec une situation financière précaire, la galerie est tenue de fermer ses portes en 1991. Pour autant, C. A. Bolden n’abandonne pas sa collection grandissante et troque l’idée d’un lieu fixe pour celle d’un musée itinérant.

En 1998, l’artiste collectionneuse s’installe à Paris et y fonde le Precious Cargo, une structure nomade dont le projet artistique et pédagogique met en avant la culture et l’histoire des diasporas africaines. Accompagnée de tous ses objets d’histoire – des poupées golliwog, aux chaînes, en passant par des documents administratifs originaux attestant de la possession d’esclaves au même titre que de chevaux –, elle intervient régulièrement auprès de différentes communautés et dans des collèges et lycées pour y organiser des ateliers, invitant les participant·e·s à activer les archives, à s’en saisir, à les toucher et à se les approprier pour éprouver l’histoire qu’elles contiennent et initier à partir de ces objets des dialogues et des réflexions. Rompant avec l’idée d’archives inaccessibles placées sous vitrine, elle n’hésite pas à les faire vivre à l’occasion de performances, d’installations ou d’assemblages.

En 2016, C. A. Bolden participe à l’exposition Museum ON/OFF MUSÉE L’ONT L’EUX au Centre Pompidou sur invitation de Pascale Obolo. En 2019, un entretien avec Barbara Sirieix est publié dans le numéro de la revue Initiales consacré à Joséphine Baker. En 2021, elle est invitée par Montévidéo, à Marseille, à participer au cycle « Poésie Plate-forme » soutenu par la fondation Pernod Ricard. En 2022, elle fait l’objet du documentaire The Keeper réalisé par Mariette Auvray. C. A. Bolden donne aussi des cours d’anglais, lors desquels elle aborde les thématiques de ses recherches. Son atelier se situe au sein de la Villa Mais d’Ici, à Aubervilliers, où sont conservées une partie des archives du Precious Cargo.