Troels Andersen & Grigorieva Ksenia (dir.), Art et poésie russes, 1900-1930, textes choisis, Paris, Musée national d’Art moderne, 1979
Peintre et poétesse russe.
Dans la Russie du début du XXe siècle, Elena Gouro mène une carrière ancrée dans l’avant-garde. Fille d’un officier de haut rang, elle reçoit une éducation artistique dans l’atelier de l’impressionniste polonais Ian Tsionglinski, où elle rencontre son mari, le compositeur Mikhaïl Matiouchine. En 1906-1907, elle étudie la peinture auprès de Léon Bakst et de Mstislav Doboujinski, des artistes appartenant au cercle du Mir Iskousstva (« monde de l’art »). Ses premières toiles sont exécutées dans un style inspiré du primitivisme : traits épais, couleurs vives. Parallèlement, elle lit – le poète belge de langue française Émile Verhaeren et les symbolistes russes comme Aleksandr Blok et Andreï Belyï – et elle écrit des poèmes et des pièces de théâtre. Elle participe avec son mari à la formation du premier groupe futuriste russe. De 1910 à 1913, elle expose ses toiles dans quelques manifestations et écrit pour le deuxième almanach – Sadok soudeï II (« Le vivier aux juges II ») – un poème, « Vetrogon, soumabrod, letatel » (« Virevoltant, lunatique, papillonnant »), considéré comme le manifeste du mouvement.
En 1912, elle publie son deuxième recueil, Osenny son (« Songe d’automne »), plus éloigné de l’esthétique futuriste : elle y déploie une écriture mystique et laconique en vers libres empreints d’hermétisme. Lorsque la jeune femme s’éteint dans sa datcha finlandaise, foudroyée par une leucémie, les futuristes Velimir Khlebnikov et Alexeï Kroutchenykh lui consacrent un recueil, Troe (« Les trois »), illustré de lithographies de Kazimir Malevitch. L’œuvre de E. Gouro bénéficie d’un regain d’intérêt à partir des années 1970. Ses écrits sont réédités à Stockholm (Selected Prose and Poetry, 1988) et à Berkeley, mais ne le seront en Russie qu’après l’effondrement de l’Union soviétique.