Anne Lajoix, Marie-Victoire Jaquotot 1772-1855, peintre sur porcelaine, Paris, Société de l’histoire de l’art français, Archives de l’art français, t. XXXVIII, 2006
→Élisa Magnani, Les Demoiselles de Sèvres, Marie-Victoire Jaquotot, copistes pas copieuses
Peintre sur porcelaine française.
Fille d’un greffier des audiences du Châtelet, Marie-Victoire Jaquotot naît dans un milieu alliant bourgeoisie de robe du côté paternel et orfèvres du côté maternel. Elle épouse le 17 juin 1794 un talentueux peintre miniaturiste, Étienne Charles Le Guay (1762-1846), auprès duquel elle se forme. Celui-ci travaille alors pour la manufacture parisienne Dihl et Guérhard, pionnière dans les années 1797 dans les recherches sur les couleurs vitrifiables et la fabrication de plaques peintes. En juin 1801, le couple divorce et, le même mois, la jeune artiste, qui a déjà exposé plusieurs dessins au Salon de 1799, vend ses premiers travaux à la manufacture de Sèvres, inaugurant une collaboration qui durera jusqu’en 1842. Alexandre Brongniart, qui prend ses fonctions à la tête de la manufacture, perçoit son talent et encourage sa carrière. Il défend en effet l’idée que la peinture sur porcelaine, inaltérable, est un moyen de transmettre à la postérité les chefs-d’œuvre de la peinture, qu’il importe donc de copier sur ce matériau. La virtuosité de M.-V. Jaquotot est l’instrument idéal pour ce projet.
Les premiers travaux de l’artiste pour Sèvres sont assez modestes. Il s’agit généralement de médaillons à têtes antiques, en imitation de camées sur sardoine, peints sur des tasses, des vases ou même pour le décor de la bibliothèque du Premier consul à Saint-Cloud, sur une idée de Charles Percier et Pierre Fontaine. Très vite, des commandes plus ambitieuses lui sont passées. En 1806, lorsque le cabaret dit « des femmes célèbres » lui est confié, A. Brongniart affirme qu’elle peint très bien les portraits de femme. Elle participe également au service dit « olympique », offert par Napoléon au tsar Alexandre en 1807. Elle peut aussi peindre d’après nature et réalise un portrait de Napoléon et, plus tard, un portrait de la duchesse de Berry.
M.-V. Jaquotot s’illustre particulièrement dans les copies de tableaux. Dès 1814, elle peint pour l’impératrice Joséphine une copie de La Belle Ferronnière (vers 1490) de Léonard de Vinci (1452-1519). Elle excelle dans les copies de tableaux de Raphaël (1483-1520), mais également de contemporains comme Anne-Louis Girodet (1767-1824 ; Danae, 1799 ; Mort d’Atala, 1808) ou François Gérard (1770-1837 ; L’Amour et Psyché, 1798 ; Corinne au cap Misène, 1819-1821…).
Elle bénéficie de la faveur de Louis XVIII, qui apprécie beaucoup l’art de la miniature. Le roi admire notamment, en 1816, sa copie de La Belle Jardinière de Raphaël (1507) pour le plateau du déjeuner dit « des grands peintres ». Elle obtient cette même année le titre de « peintre sur porcelaine du cabinet du roi » et, à partir de 1821, une pension de 1 000 francs. M.-V. Jaquotot est admise à présenter au roi aux Tuileries sa copie de L’Amour et Psyché, qui lui est payée l’inhabituelle somme de 16 000 francs, témoignant de sa notoriété. Elle peint dans les premières années de la Restauration plusieurs portraits du roi de divers formats. La commande la plus importante de Louis XVIII est une collection de portraits historiques, souverains, princes ou hommes de lettres, destinés à être insérés sur le couvercle de la tabatière royale. Cette collection est saluée par la critique et sera poursuivie jusque sous la monarchie de Juillet. Un coffret en porcelaine, sorte de médaillier, est commandé à la manufacture de Sèvres pour renfermer ces portraits.
Charles X renouvelle la faveur de M.-V. Jaquotot en la nommant, par ordonnance du 24 mai 1828, « premier peintre sur porcelaine du roi ». Sous la monarchie de Juillet, elle obtient le financement d’un voyage en Italie et copie à Bologne ou à Florence les grands chefs-d’œuvre de la peinture italienne. Sa renommée dépasse les frontières et elle est citée en exemple du talent des femmes en peinture.