Oguibe Olu, « Studio Call: Mary Evans », Nka: Journal of Contemporary African Art, no 10, printemps-été 1999, pp. 38–39
→Mary Evans, Cut and Paste, cat. expo., Tiwani Contemporary, Londres (14 septembre – 20 octobre 2012), Londres, Tiwani Contemporary, 2012
Meditations, Baltimore Museum of Art, Baltimore, 2008
→Cut and Paste, Tiwani Contemporary, Londres, 14 septembre – 20 octobre 2012
→It takes a village, Southbank Centre, Londres, 2014
Plasticienne nigériane-britannique.
Née à Lagos, Mary Evans réside aujourd’hui à Londres où sa famille est venue vivre à la fin des années 1960. Enfant du nord-ouest londonien, elle a pour camarades de classe des Irlandais, des Africains-Caribéens et des Indiens et, comme elle l’explique : « ce qui nous unissait tous était notre statut d’immigrants ». Si les leçons d’histoire entendues depuis l’école primaire jusqu’au lycée lui en apprennent peu sur les rapports entre l’Empire britannique et ses colonies, sa pratique artistique – après des études accomplies notamment à la Rijksakademie (Amsterdam) et au Goldsmiths College (Londres) – s’épanouira avec la recherche historique pour moteur. M. Evans veut comprendre comment les dynamiques sociales, culturelles et politiques de l’Angleterre moderne sont, à bien des égards, des héritages de son passé impérial. Son travail, faisant écho à son enfance et à son propre parcours (l’expérience de la perte d’une langue, de repères culturels mentaux et physiques), devient le lieu où évoquer les chemins contrariés que des hommes et des femmes empruntent avant de s’établir quelque part ; il témoigne de ce qui arrive à ces hommes et à ces femmes au cours de ces périples, de ce qu’ils sont forcés d’apprendre, de réapprendre, de ce qu’ils choisissent de se remémorer ou d’oublier, et montre à quel point ils sont toujours irrémédiablement transformés.
Dans les créations de l’artiste, ces évocations prennent forme par le moyen d’une imagerie caractéristique : des silhouettes et des pictogrammes découpés à la main, le plus souvent dans du papier kraft, laissé brut, et mis en scène, par la suite, dans des installations in situ qui tiennent compte de la déambulation du public. Citons Thousands Are Sailing (2016), pièce présentée lors de la Biennale d’Irlande en 2016 : cette vaste installation murale figurative, en plusieurs épisodes, emprunte au genre de la peinture d’histoire et est réalisée en papier kraft. Ce matériau devient aussi métaphore du caractère négligeable et sacrifiable des vies dont il est question dans cette œuvre.
L’imagerie choisie par M. Evans, faite de signes, de symboles et de pictogrammes issus de la culture populaire, vise ainsi à transformer des formes simples en « outils métaphoriques » ; l’artiste parle de créer un « espéranto visuel ». Le motif est un leitmotiv : ses pièces naissent presque toujours d’une structure architecturale préexistante, chacune d’entre elles possédant une logique formelle à l’intérieur de laquelle vivent plusieurs séries de motifs que l’on pourrait qualifier de gigognes. Cependant, si le pur motif est au cœur de ses recherches, M. Evans défend une esthétique qui va au-delà de l’ornemental, ou plutôt qui recourt à l’ornemental pour révéler l’historique, l’architectural ou l’ancrage social des sources et des espaces avec lesquels elle travaille (elle a notamment réalisé des commandes pour un hôpital et pour un centre de réhabilitation pour toxicomanes). Si elle utilise principalement le papier et le découpage, elle s’est aussi intéressée à de nombreux autres matériaux et techniques dès lors qu’ils étaient liés à des formes d’artisanat et permettaient de produire une imagerie simple. Elle a ainsi pratiqué le pochoir (comme dans la série Mirror Images [2012-2013], galerie de profils jumeaux se faisant face et réalisés avec différentes encres colorées), l’impression artisanale, le collage et le tamponnage. M. Evans dit aimer particulièrement travailler « là où se rencontrent beaux-arts et artisanat, art et décoration », toujours pour mieux raconter des histoires.