Sakiko Nomura. Tierna es la noche / Tender is the Night, cat. exp., Fondation MAPFRE, Madrid, Fondation MAPFRE, 2024
→Umi – 1967 2022 Shimonoseki Tokyo [La Mer], Tokyo, Little More, 2022
→Ai ni tsuite [À propos de l’amour], Tokyo, Asami Okada Publishing, 2017
Sakiko Nomura. Tierna es la noche / Tender is the Night, Fondation MAPFRE, Madrid, 6 février – 11 mai 2025
→La Mer, musée municipal de Shimonoseki, 11 février – 27 mars 2022
→À propos de l’amour – un voyage sans destination, une lumière immobile, musée de l’Université industrielle de Kyūshū, Fukuoka, 9 septembre – 22 octobre 2017
Photographe japonaise.
Sakiko Nomura décroche sa licence de photographie en 1990, à la faculté des beaux-arts de l’Université industrielle de Kyūshū. Dès le printemps 1991, elle poursuit sa formation auprès du photographe Nobuyuki Araki (née en 1940), et publie son premier album de photos en 1994, Naked Room (publié chez Aat Room), dans lequel elle affirme déjà son style. En 2013, elle reçoit le prix Sagamihara d’encouragement aux jeunes photographes, et en 2017 le prix des nouveaux créateurs décerné par Higashikawa, Ville de la photographie.
Convaincue, dès ses années universitaires, que « la photographie, c’est saisir le nu, se confronter à la nudité », S. Nomura est sans surprise largement reconnue pour ses nus, notamment masculins. Pour son premier album, Naked Room, elle s’est rendue au domicile de ses sujets, pour les photographier seule, en tête-à-tête. Depuis, elle applique ce même principe, allant à la rencontre des hommes qu’elle prend en photo chez eux, dans une chambre d’hôtel ou dans d’autres espaces intimes, sans avoir recours à un tiers.
Notons avec intérêt que même les hommes les plus musclés semblent fragiles et délicats devant l’objectif de S. Nomura. Cela ne s’explique pas seulement par le fait qu’ils se présentent allongés, dans des attitudes langoureuses et sans défense. Ne serait-ce pas plutôt dû au champ réduit que S. Nomura aime privilégier ? Quand la distance entre l’appareil photo et le sujet est trop courte, il devient impossible de saisir de façon objective le corps dans son ensemble. Résultat : seule une partie du corps est cadrée, par exemple, un visage qui se retourne, un dos partiel alors que le sujet est allongé sur le ventre, des jambes étendues sur les draps… Ainsi le regard s’arrête sur les courbes ou la matière qu’offrent ces fragments de corps l’espace d’un instant, plutôt que sur leur force physique ou leurs facultés corporelles.
Il convient d’apprécier aussi toute la richesse des noirs de S. Nomura, une des caractéristiques de son style. Dans Naked Time (publié en 1997 chez Heibonsha), elle s’essaie à des photographies uniquement éclairées par les lampes disponibles dans la pièce où se trouve le sujet. Comme la lumière n’est pas homogène sur l’ensemble de l’espace, certaines parties du corps sont laissées dans l’ombre, voire apparaissent floues. Mais c’est justement dans cette ambiguïté de l’image qu’affleure l’impression saisissante d’un instant éphémère et unique partagé entre le sujet et l’endroit où il se trouve.
S. Nomura continue par la suite à explorer le noir et ses modes d’expression, comme dans l’exposition intitulée Yami no Oto [Les Sonorités des ténèbres], organisée en 1999 au musée préfectoral des Beaux-Arts de Yamaguchi, ou dans son album Black Darkness en 2008 (chez Akio Nagasawa Publishing). Et même dans son premier album de photos en couleurs Night Flight (2008, publié chez Little More), le noir est présent partout, comme s’il absorbait les couleurs. Cette expression de l’obscurité atteint son apogée avec Another Black Darkness (2016, Akio Nagasawa Publishing), qui a recours à la solarisation. Il faut fixer les images, qui semblent totalement noires, pour parvenir à progressivement distinguer de minces lignes lumineuses qui forment comme des contours. Mais on n’arrive pas à savoir s’il s’agit d’un corps humain, d’une plante ou d’un paysage… C’est pourquoi le public focalise toute son attention sur les images, retenant son souffle. Et alors que son regard passe d’une image à l’autre, il a l’impression que la ligne d’une hanche vient se fondre avec la crête d’une montagne, ou que le léger éclat qui brille dans la prunelle d’un œil se confond avec les scintillements de la nuit. D’ailleurs, dans l’album On Love (2017, Asami Okada Publishing), qui comprend 100 nus masculins, ce qui retient l’attention, au-delà des portraits individuels, ce sont les paysages ou les natures mortes qui viennent s’intercaler de manière assez inattendue. Une lune qui apparaît au loin derrière les câbles électriques, les cerisiers en fleurs dans un quartier résidentiel, la surface de l’eau qui reflète la lumière : autant d’images qu’on oublierait rapidement, mais qui, ici, superposées à ces fragments de corps souvent flous qui les précèdent ou les suivent, créent toute la fluidité de l’ouvrage. C’est précisément dans ces images qui se répondent de façon organique que réside tout le charme de l’œuvre de S. Nomura.
Elle a aussi photographié l’acteur de kabuki Somegorō Ichikawa (également connu sous le nom de Kōshirō Matsumoto, 10e du nom), ainsi que de nombreux autres acteurs et danseurs, dont elle s’efforce de saisir les expressions inattendues sur scène pour reproduire pleinement leur énergie. Dans un autre registre, TAMANO (2014, LibroArte) est un recueil de portraits de personnes âgées vivant en province, tandis que Majestic (2022, Bcc Co., Ltd) célèbre les pèlerins tatoués et tatoueurs de l’association Edo Chōyūkai. S. Nomura sait parfaitement mettre en valeur, donner du sens et être responsable au moment de regarder autrui à travers la lentille de son appareil photo.
Une notice réalisée dans le cadre du programme « Traces du futur : femmes photographes du Japon »
© Archives of Women Artists, Research and Exhibitions, 2025