Thérèse Ampe-Jonas, Jean-Yves Bosseur et Gilbert Lascault, Bara, Méryll, ébauche d’Aria, Le Clou dans le fer, 2008
→Anne Tronche, « La matière du temps », Recto Verso Permutables, cat. exp., Paris, galerie Ilanne, 1978
→Gilbert Lascault, « Les labyrinthes de la clarté », Cheminement vers le blanc, cat. exp., Paris, galerie Iris Clert, 1975
L’Effet Bara, Savigny-le-Temple, domaine de la Grange-la-Prévôté, 2022
→Rencontre d’un lieu et du hasard, Paris, galerie-association Katia Pissarro, 1980
→Cheminement vers le blanc, Paris, galerie Iris Clert/galerie de l’Objet, 1975
Artiste plasticienne française.
Depuis les années 1970, Thérèse Ampe-Jonas s’attache à rendre compte et à mettre en jeu les notions de territoire, d’inscription et de conscience de soi, notamment à l’échelle du corps, de son propre corps. Comment prendre la mesure de ce qui nous entoure ? De quelle manière incarner expériences et affects dans un va-et-vient constant entre le personnel et le politique ? Comment faire de l’art le sismographe d’une relation située au monde ? Ses œuvres se présentent comme des architectures narratives, des relevés et des arpentages d’espaces imaginaires et réels, miniatures ou monumentaux, mobilisant questionnements intimes, enjeux publics et préoccupations de la vie matérielle. Sa prédilection pour le blanc, l’effacement et le recouvrement invite à considérer ses créations comme des pages blanches qu’elle anime, traverse et habite. Déployant sa pratique de la sculpture à la photographie et la peinture, de la performance au dessin et au son, Th. Ampe-Jonas envisage l’art comme une méthode de connaissance et de reconnaissance, sans jamais simplifier notre rapport au réel et aux émotions. Complexité et incomplétude sont des lignes de fuite puissantes de sa recherche, excitant aussi bien le champ visuel que l’espace mental, offrant des solutions formelles qui nous stimulent parce qu’elles nous résistent.
Proche de l’historien Gilbert Lascault, des critiques Aline Dallier et Anne Tronche, et de la galeriste Iris Clert, qui la présente dans l’exposition Grandes femmes, petits formats en 1974, Th. Ampe-Jonas, après des études à l’École nationale des métiers d’art et une expérience de peintre cartonnière à la Manufacture nationale des Gobelins en 1968-1969, commence par créer des séries de collages, de « boîtes » et de « terrains codés ». S’y exprime déjà son goût pour la suggestion et les possibles, les vides et les enchâssements, la bifurcation, le marquage et le non-fini ; un goût que G. Lascault définit par l’oxymore des « labyrinthes de la clarté ». Souvent incarné par une fève en porcelaine, le corps humain se mesure aux plis de l’espace et de la mémoire, à la nécessité de s’orienter. Il s’agit également de proposer des cartes mentales d’une condition féminine précise, où la création s’élabore, en parallèle des obligations domestiques et maternelles, avec des matériaux quotidiens (cartons à boutons, chutes de papier), où le format utile est celui de la table de la cuisine, où l’engagement se noue au sein du collectif Femmes/Art (1976-1978).
Au tournant des années 1980, performance et photographie acquièrent un rôle essentiel, impliquant désormais le corps de l’artiste, comme dans l’exposition Rencontre d’un lieu et du hasard à la galerie-association Katia Pissarro ou dans l’œuvre fondatrice Le Parcours de tous les possibles, réalisée en 1979 à l’occasion de la XIe Biennale de Paris et réactivée en 2020 dans le cadre du programme AWARE/Cnap « La Vie bonne ». Conçue pour l’exposition Sols au Centre national d’art contemporain en 1984, l’installation Un terrain nécessaire > de l’extérieur < > l’intérieur de < poursuit ces recherches où l’artiste met en tension le public et le privé, exprimant la nécessité de trouver un « terrain nécessaire » pour travailler, un espace à soi pour se mesurer et s’affirmer.
En 2006-2008, le livre sonore Bara, Méryll, ébauche d’Aria constitue l’un des jalons majeurs de la pratique récente de Th. Ampe-Jonas. En collaboration avec le compositeur Jean-Yves Bosseur et G. Lascault, elle met au point une œuvre interactive qui associe le toucher, la vue et l’ouïe pour explorer la fluidité du corps humain en articulant histoire de l’art, expérience personnelle et poésie. L’œuvre prolonge les recherches picturales des années 1990-2000, notamment la série vibrante, géologique et expressive des Paysages sacrés. Dans les années 2020, les Labyrinthes, sculptures réalisées à partir d’emballages de médicaments mis à plat, matérialisent avec force et sincérité l’investigation continue des liens entre l’architecture concrète de nos vies, l’organisation psychique de nos émotions et les manifestations variables de nos corps.
Cette notice a été publiée dans le cadre du projet « La Vie Bonne » en partenariat avec le Cnap.
© Archives of Women Artists, Research and Exhibitions, 2025