Prix AWARE

Laëtitia Badaut Haussmann
Lauréate du Prix 2017

© William Simon

C’est bien À rebours qu’il faut envisager le travail de Laëtitia Badaut Haussmann. De même que le personnage de Jean Des Esseintes cataloguant son siècle dans l’œuvre de Joris-Karl Huysmans, Laëtitia Badaut Haussmann nous propose, par l’emprunt d’un titre de Fassbinder, d’une citation de Godard, d’une forme d’Eileen Gray…, une plongée fictionnelle et érudite aux croisements de la littérature, du design et du cinéma dans un temps, qu’elle définit elle-même, sans chronologie.

Loin d’une démarche purement appropriationniste et citationnelle, Laëtitia Badaut Haussmann dessine une œuvre ouverte au large potentiel narratif. C’est avant tout cette dimension fictionnelle qui anime et traverse, depuis maintenant dix années, ses œuvres photographiques, filmiques, sculpturales et performatives.

D’abord centrée sur des approches cinématographiques et historiographiques, sa démarche s’est hybridée et élargie à de nombreuses formes qui témoignent toutes d’une volonté de perturber notre lecture du réel.

Laëtitia Badaut Haussmann - AWARE Artistes femmes / women artists

Laëtitia Badaut Haussmann, Daybed n°4, pink pyramids, 2015, bois MDF, carrelage, colle, joint, 278 x 110 x 45 cm, vue d’exposition Artorama, Marseille, 2015, Courtesy de l’artiste et de la Galerie Allen

Mêlant librement éléments documentaires et fiction, Laëtitia Badaut Haussmann agit à la manière d’une archéologue en utilisant la mémoire d’un lieu comme lors de son intervention au Centre d’art Emmetrop de Bourges, d’une archive personnelle ayant appartenu à sa grand-mère comme base fictionnelle ou encore d’une commande faite à Charlotte Perriand par le Musée national d’art moderne Cette frontière entre réalité et fiction s’abolit encore un peu plus avec les travaux performatifs qu’elle développe dans l’espace urbain. Ces déambulations cinématographiques, selon ses propres termes, viennent littéralement bousculer le spectateur attentif autant que le piéton surpris, où l’architecture urbaine, à la manière d’une nouvelle de J. G. Ballard devient le décor d’un film d’anticipation en train de s’écrire.

Laëtitia Badaut Haussmann - AWARE Artistes femmes / women artists

Laëtitia Badaut Haussmann, au fond : Maisons Françaises, une collection n°031 in situ, 2014-2016, impression noir et blanc sur papier 180g, 147 x 264 cm, sur le sol : Daybed n°4, pink pyramids, fragments, 2015, bois MDF, carrelage, colle, joint, 2 x 7,5 cm x 45 cm x 125 cm, au sol : DB/FLOOR #16, 2017, bois MDF, carrelage, colle, joint, 1,5 cm x 137 cm x 152 cm, vue de l’exposition des nommées du Prix AWARE, courtesy de l’artiste et de la Galerie Allen

Dans le cadre du Prix AWARE, Laëtitia Badaut Haussmann présente deux œuvres emblématiques de ses réflexions actuelles. Confrontant deux formes sculpturales de la série des Daybed à un grand tirage issu de la série Maisons Françaises, une collection initiée en 2012. L’image collectée, initialement à vocation publicitaire, a été dépouillée de son message premier, agrandie et recadrée. Avec la perte de son caractère commercial, l’image devient elle-même objet de désir et de projection. Les modules recouverts de carreaux de céramique aux motifs géométriques et aux formes empruntées à la modernité dont sont présentés ici des éléments fragmentaires, jouent sur une certaine ambiguïté. Ils agissent tour à tour comme sculptures autonomes ou surfaces de réception et d’accueil et d’expérimentation pour le public qui peut ainsi y prendre place. Ces plateformes sculpturales dissimulent ainsi derrière une neutralité première un potentiel narratif et critique, proposant un partage généreux avec les spectateurs.

Sébastien Faucon

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