Aenne Biermann, Kiefern im Rauhreif (Pins dans le givre), 1929, Museum Ludwig, Cologne, © Rheinisches Bildarchiv Köln
Le Museum Ludwig propose une petite sélection de tirages d’Aenne Biermann (1898-1933), principalement issus du fonds Agfa. C’est là l’occasion de découvrir le travail de la photographe allemande, injustement méconnue en France.
Pianiste de formation, A. Biermann commence à pratiquer la photographie au début des années 1920, en autodidacte. Ses sujets de prédilection sont alors ses enfants, des pierres ou des plantes dont elle saisit la structure complexe avec minutie. En 1927, un géologue lui commande des images détaillées de minéraux, travail qui lui permet de mieux comprendre l’importance de l’éclairage.
Aenne Biermann, Gerd 7 Jahre alt (Gerd à l’âge de 7 ans), 1930, Museum Ludwig, Cologne, © Rheinisches Bildarchiv Köln
À la fin des années 1920, A. Biermann se professionnalise, rejoint le Deutscher Werkbund, célèbre association d’artistes, et expose régulièrement (expositions personnelles à Munich en 1928 et à Gera en 1930, participation à des manifestations collectives d’importance, comme Fotografie der Gegenwart ou Film und Foto en 1929). Elle s’intéresse davantage aux objets courants – fruits (Äpfel [Pommes], vers 1929 ; Cocosnusse [Noix de coco], 1929), accessoires de couture (Fingerhut [Dé à coudre], 1929), vaisselle (Töpfe im Keller [Pots à la cave], vers 1929) –, ainsi qu’aux scènes du quotidien – plage (Strandkörbe [Fauteuils de plage], vers 1930), arbres en hiver (Kiefern im Rauhreif [Pins dans le givre], 1929) ou spectacle pour enfants (Kasperltheater Zuschauer [Public de théâtre de marionnettes], 1929) – et au portrait : « L’objet, qui, dans son environnement, n’a jamais été vu autrement que sous son apparence familière, écrit-elle, s’anime d’une vie nouvelle, isolé dans le verre de visée. […] Il me semblait que la netteté d’une forme construite, extraite de son environnement par trop distrayant, pouvait être représentée de façon convaincante en photographie1. »
Aenne Biermann, Kaktus (Cactus), vers 1929, Museum Ludwig, Cologne, © Rheinisches Bildarchiv Köln
Aenne Biermann, Selbstporträt (Autoportrait), vers 1931, Museum Ludwig, Cologne, © Rheinisches Bildarchiv Köln
La rigueur des cadrages, souvent en gros plan, le soin apporté aux dégradés de gris, un certain souci de l’exactitude et l’intérêt pour la vie ordinaire rapprochent le travail d’A. Biermann de la Neue Sachlichkeit (Nouvelle Objectivité), courant qui rend compte de la réalité allemande au lendemain de la Première Guerre mondiale, en portant un regard critique, voire acide, sur les mythes (héroïsme national, productivité exemplaire, etc.) propagés par la république de Weimar. La mort prématurée d’A. Biermann, à l’âge de 34 ans, et la destruction d’une partie de ses négatifs par les nazis ont freiné sa reconnaissance, mais la reproduction, de son vivant, de ses clichés dans la presse spécialisée du monde entier, de même que l’ouvrage que lui a consacré l’historien d’art Franz Roh en 1930, 60 Fotos. Aenne Biermann, et la création en 1992 de l’Aenne-Biermann-Preis für deutsche Gegenwartsfotografie (prix Aenne-Biermann pour la photographie allemande contemporaine) ont contribué à préserver son œuvre de l’oubli.
Name der Fotografin: Aenne Biermann, du 16 juin au 30 septembre 2018, au Museum Ludwig (Cologne, Allemagne).