Pacita Abad, The Sky is Falling, 1998, 1800 x 1200 cm, Courtesy Pacita Abad Art Estate et Spike Island, © Photo : Max McClure
Conçue par le Spike Island et Pio Abad, neveu de l’artiste installé à Londres et lui-même artiste, l’exposition Life in the Margins, la première qui soit consacrée à Pacita Abad (1946-2004) au Royaume-Uni, présente des œuvres textiles datées de 1983 à 2002. L’accrochage et le propos invitent à réinterroger les variations du travail de P. Abad à la lumière d’une lecture rétrospective ; ils en politisent le récit. Le multiculturalisme et les voix artistiques qui portent les vies oubliées sont mis en avant.
Vue de l’exposition : Pacita Abad, Life in the Margins, Spike Island, Bristol, 18 janvier – 5 avril 2020, Courtesy Pacita Abad Art Estate et Spike Island, © Photo : Max McClure
On pourrait se demander ce qui fait l’originalité de P. Abad, ce qui la distingue d’une Faith Ringgold (1930-2024), devenue particulièrement familière aux yeux britanniques depuis la rétrospective qui lui a été dédiée à Londres en 2019. Une autre préoccupation consisterait à sortir la production de P. Abad du décoratif dans lequel l’abondance de motifs, répétés à l’infini et sur supports divers, pourrait l’enfermer. L’exposition du Spike Island apporte des réponses pertinentes pour dépasser ces possibles réticences. Le public est invité à déambuler, dans le sens des aiguilles d’une montre, autour d’une salle centrale qui accueille des pièces réalisées par P. Abad dans la dernière partie de sa vie. Ce parcours circulaire donne à voir une œuvre narrative, intense, figurative, alors que la salle centrale, à laquelle il conduit, réunit des compositions plus abstraites, produites par P. Abad quand elle était malade et retenue dans son studio. Le parcours suggère une dichotomie entre formes narrative (circulaire) et abstraite (centrale). C’est l’entremêlement de ces aspects qui confère au travail de P. Abad son tout premier intérêt.
Vue de l’exposition : Pacita Abad, Life in the Margins, Spike Island, Bristol, 18 janvier – 5 avril 2020, Courtesy Pacita Abad Art Estate et Spike Island, © Photo : Max McClure
Sa manière, son utilisation du textile cousu et peint, parfois rendu très pictural, pour des pièces des années 1990, parfois assemblé, pour les derniers travaux, sont soulignées par l’accrochage. Ce dernier laisse voir au spectateur et à la spectatrice la fragilité du support, son extrême finesse : les œuvres sont suspendues et tremblent sous les mouvements de l’air. La présentation de l’endroit et de l’envers des toiles double leur intérêt. Apparaît ainsi sur l’envers l’abstraction ou la trame d’un récit qui est figuré sur l’endroit. La promenade du visiteur ou de la visiteuse est rendue vivante. L’ensemble montre une production éclatante, joyeuse car colorée, courageuse car engagée.
Pacita Abad, L.A. Liberty, 1992, acrylique, fil de coton, boutons en plastique, miroirs, fil d’or, tissu peint sur toile cousue et rembourrée, Courtesy Pacita Abad Art Estate and Spike Island, © Photo : Max McClure
Les commissaires de l’exposition ont effectué dans l’œuvre prolifique de P. Abad une sélection pour thématiser son travail en prenant le risque d’y imposer un cadre surinterprétatif. Le résultat est enthousiasmant. Les pièces présentées invitent à découvrir, ou à redécouvrir, une artiste qui se distingue parfaitement des figures tutélaires.
Pacita Abad, Life in the Margins, du 18 janvier au 5 avril 2020, au Spike Island (Bristol, Royaume-Uni).