Donna Gottschalk: Brave, Beautiful Outlaws, Leslie-Lohman Museum of Gay and Lesbian Art, New York, 29 août – 17 mars 2019 ; Blue Sky, Oregon Center of the Photographic Arts, Portland, 2 janvier – 2 février 2019
Photographe et activiste états-unienne.
Donna Gottschalk grandit dans les Tenement Houses du Lower East Side de New York. Adolescente, elle étudie à la High School of Art and Design et commence à fréquenter la nuit gay et lesbienne de la ville (les bars Kooki’s, Paula’s ou Colony), à l’époque extrêmement dangereuse et contrôlée par la mafia. Elle produit posters et documents politiques, et photographie les groupes activistes LGBTQI à partir de ses 17 ans, âge auquel elle rejoint le Gay Liberation Front (GLF). C’est elle qui apparaît avec la pancarte « Je suis ta pire peur / Je suis ton plus beau fantasme » [I am your worst fear / I am your best fantasy] dans la fameuse image prise par la photojournaliste Diana Davies (née en 1938) en 1970 lors de la première manifestation gay et lesbienne, le Christopher Street Day à New York, célébrant le premier anniversaire de la révolte de Stonewall. Elle rencontre la photographe Joan E. Biren (JEB, née en 1944) à la convention du Black Panther Party à laquelle Angela Davis avait invité le GLF. JEB apparaît dans de nombreuses photographies de D. Gottschalk à l’époque.
En 1970, étudiante en art à la Cooper Union, D. Gottschalk devient membre du premier groupe radical lesbien états-unien, dissident du GLF, plus prompt selon elles à promouvoir les droits des hommes que ceux des femmes. Le groupe se réapproprie l’expression « menace lavande » [lavender menace] proférée à l’encontre des femmes homosexuelles par la présidente de la National Organization for Women (NOW), Betty Friedan, qui estimait que la présence des lesbiennes dans le mouvement des femmes lui faisait perdre sa crédibilité. D. Gottschalk participe à l’organisation de la manifestation du 1er mai 1970 en marge du second congrès de la NOW pour protester contre l’exclusion des lesbiennes. Elle dessine les tee-shirts « Lavender Menace » que portent les membres du groupe et les imprime à l’atelier de sérigraphie de la Cooper Union. Le groupe disparaît en 1971 après avoir adopté le nom de « Radicalesbians ». Malgré sa courte existence, il reste associé à l’apparition d’une véritable visibilité lesbienne au sein des mouvements féministes.
Au milieu des années 1970, D. Gottschalk s’installe sur la côte ouest des États-Unis, à San Francisco, et visite les communautés lesbiennes séparatistes de l’Oregon. Témoignages précis des mouvements radicaux de son temps, ses clichés mettent en avant une veine humaniste propre à l’histoire de la photographie états-unienne. L’artiste nomme volontiers Diane Arbus (1923-1971), Irving Penn (1917-2009) et August Sander (1876-1964) comme ses modèles historiques. Pendant les années 1970, elle fait le portrait de ses proches, couples ou individus alors considérés comme marginaux, consciente de la nécessité de prolonger leurs existences par la photographie : personnes transgenres, pauvres, sans domicile, travailleur·euse·s du sexe, toxicomanes, survivant·e·s d’abus. Les décors sont simples : de modestes maisons ou appartements, un jardin, un garage. Une série particulièrement touchante concerne sa jeune sœur trans, Myla, de son adolescence sous le nom d’Alfie à son décès des conséquences du sida à l’âge de 56 ans en 2012. L’œuvre de D. Gottschalk est un monument à la marginalité de son temps, aux existences vulnérables qui n’ont bénéficié d’aucune protection.
« J’ai reçu mon premier appareil photo à 17 ans et j’ai découvert tous ces gens marginalisés et nobles qui faisaient partie de ma vie. Je me suis efforcée de faire preuve de courage et de les prendre en photo. Parfois il·elle·s me demandaient pourquoi et je leur donnais toujours la même réponse : ‘Parce que vous êtes beaux·belles et que je ne veux jamais vous oublier’. »