Lilia García Torres et Lourdes Roca Ortiz, « Mirar en clave ikoods. Lecturas etnográficas del Primer Taller de Cine Indígena », in Antonio Zirión Pérez (dir.), Redescubriendo el Archivo Etnográfico Audiovisual, México, Université autonome métropolitaine / Fonds national pour la culture et les arts, 2021
→Eréndira Martínez Almonte, Tramas, imágenes e intersecciones. Narrativas y Resistencias de Cineastas Indígenas, mémoire de maîtrise, Centre de recherches et d’études supérieures en anthropologie sociale (CIESAS), Mexico, 2021
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INPI, Mujer ikoots: cineastas indígenas, México, Institut national pour les peuples indigènes, 2018
Tisserande et cinéaste ikoots.
Elvira Palafox Herrán est née à San Mateo del Mar, dans l’État d’Oaxaca. Elle est la quatrième des six enfants d’Antonina Herrán et de Pablo Palafox. Elle a trois frères (Pedro, Claudio et Hilario) et deux sœurs (Teófila et Francisca). Elle grandit sur le territoire millénaire des Ikoots, au milieu du sable, des dunes, des vents, de la mer et des activités traditionnelles : le tissage et la pêche. Toute jeune, elle apprend l’art du telar de cintura (métier à tisser traditionnel). Par son talent, E. Palafox acquiert une certaine reconnaissance au sein de son village et dans les communes voisines, Salina Cruz et Juchitán. Elle s’illustre notamment dans le tejido doble, le « tissage double », où la toile comporte des dessins différents sur chaque face, technique complexe que ne maîtrisent que peu de personnes.
En 1985, âgée de 20 ans, E. Palafox participe au Primer Taller de Cine Indígena [Premier Atelier de cinéma autochtone], initié par l’Instituto Nacional Indigenista [Institut national indigéniste] (INI), aujourd’hui Instituto Nacional de los Pueblos Indígenas [Institut national des peuples autochones] (INPI), sous la direction du cinéaste Luis Lupone (né en 1956). Timotea Michelin et Guadalupe Escandón font partie de son groupe, et à celui de sa sœur Teófila (née en 1956), participent Juana Canseco et Justina Escandón. L’atelier dure cinq semaines, la dernière étant consacrée au tournage de films au moyen d’une caméra Super 8 et au perfectionnement de chacun·e. Le groupe de de T. Palafox, J. Canseco et J. Escandón est connu pour le court métrage Leaw amangoch tinden nop ikoots – La vida de una familia ikoots [La Vie d’une famille ikoots, 1985]. E. Palafox, T. Michelin et G. Escandón s’intéressent quant à elles aux récits et aux pratiques anciennes de leur communauté, dont elles tirent les scénarios des films Angoch tanomb – Una boda antigua [Un mariage traditionnel, 1985] et Teat Monteok: El cuento del dios del Rayo [Le Conte du dieu de la Foudre, 1985]. Le scénario d’Angoch tanomb est rédigé par E. Palafox et T. Michelin à partir des souvenirs de la seconde, la plus âgée du groupe. E. Palafox réalise les costumes, au plus près des descriptions des anciennes tenues ikoots. Teat Monteok témoigne de l’intérêt de l’artiste pour la relation qu’entretient son peuple avec ses anciens dieux ; le film lui permet par ailleurs de réaliser son rêve : naviguer au large en canot. Les deux court métrages sont conservés à l’Acervo de Cine y Video [Archives cinéma et vidéo] Alfonso Muñoz de l’INPI et restent inédits jusqu’en 2018, année de leur publication sous forme de livre-objet.
Cinq ans après cet atelier, en 1991, l’artiste épouse un jeune homme de son village. Leur mariage est malheureux. Souffrant des complications d’une grossesse à risque, et les services sanitaires de San Mateo del Mar étant insuffisants, elle est évacuée en urgence au port de Salina Cruz où elle meurt, ainsi que l’enfant qu’elle porte.
Les femmes de l’Atelier n’ont pas représenté dans leurs films les problèmes sociaux que connaissait et que connaît encore leur communauté, liés à l’alcool, à la violence intrafamiliale et au sexisme. Des aspects qui marquèrent pourtant la vie et la mort prématurée d’E. Palafox.
Une notice réalisée dans le cadre du programme « The Origin of Others. Réécrire l’histoire de l’art des Amériques, du XIXe siècle à nos jours » en partenariat avec le Clark Art Institute.
© Archives of Women Artists, Research and Exhibitions, 2025