Francis Bartolozzi naît dans un milieu d’artistes liés à l’Académie des beaux-arts de San Fernando (Madrid), reconnus notamment dans le monde de l’illustration, de l’affiche et de la scénographie. Cela explique pourquoi elle suit les cours de l’Institut-École associé à l’Institut libre d’enseignement, l’une des institutions pédagogiques les plus avant-gardistes et progressistes de la capitale espagnole. Sa personnalité intellectuelle en est marquée pour toujours. De 1925 à 1930, elle poursuit sa formation artistique à l’Académie des beaux-arts de San Fernando, où elle entre en contact avec des artistes comme Julio Romero de Torres (1874-1930), Remedios Varo (1908-1963), Delhy Tejero (1904-1968) ou son futur mari, Pedro Lozano de Sotés (1907-1985), avec qui elle développe une féconde collaboration artistique. C’est alors qu’elle commence à visiter les expositions de l’Athénée et du Cercle des beaux-arts, et qu’elle y découvre les tendances les plus récentes de l’avant-garde artistique internationale.

F. Bartolozzi entame très jeune une carrière d’illustratrice pour enfants, d’abord chez l’éditeur Casa Calleja (1926), puis dans des revues comme Blanco y Negro [Blanc et Noir] ou Crónica [Chronique]. L’époque connaît en effet un approfondissement des relations entre art et pédagogie, et un grand nombre d’artistes travaillent alors pour des publications destinées aux enfants. Le monde magique et joyeux de l’enfance marque considérablement l’œuvre de F. Bartolozzi, y compris ses travaux produits pendant la guerre d’Espagne (1936-1939). Dans la série Pesadillas infantiles [Cauchemars d’enfants, 1937], elle dépeint par exemple les horreurs de la guerre du point de vue des enfants.

Non moins fondamentale est sa sensibilité envers la culture populaire, renforcée par l’expérience des Missions pédagogiques de la République espagnole : lancée en 1931 par le gouvernement républicain, cette initiative vise alors à défendre la culture, la pédagogie et l’éducation modernes sur tout le territoire espagnol. En compagnie de son époux, F. Bartolozzi réalise pour les Missions des affiches, des décors et des figurines en lien avec les courants artistiques internationaux.

Quand la guerre éclate, la cause antifasciste occupe une grande partie de son œuvre. Avec d’autres artistes, elle participe aux travaux du ministère de la Propagande républicain, surnommé l’« Altavoz del Frente » [Haut-parleur du front]. C’est dans ce contexte qu’il faut resituer ses dessins les plus figuratifs, qui s’efforcent de rendre justice aux visages et aux expériences de ceux et celles qui combattent le fascisme sur le front. Six de ces gravures – détruites par l’artiste après l’entrée des troupes franquistes dans Valence, où elle a cherché refuge – sont exposées au Pavillon espagnol de l’Exposition internationale de Paris (1937), aux côtés de Guernica de Pablo Picasso (1881-1973).

Son œuvre constitue un exemple original d’art engagé antifasciste dans l’entre-deux-guerres. Après la guerre et l’instauration de la dictature (1939-1975), F. Bartolozzi s’installe à Pampelune, où elle poursuit son activité d’illustratrice pour enfants et sombre dans l’oubli. L’entrée de son œuvre dans la collection du musée national Reina Sofía, à Madrid témoigne d’un début de reconnaissance de sa figure, dans le contexte de la « récupération » de la mémoire historique en Espagne.