Huggins, Derek, Eleni Lierou / Helen Lieros Mural Paintings: The Greek Orthodox Cathedral of the Archangels Michael and Gabriel at Maputo, Mozambique, 1996 – 2002, Bath, CBC Publishing, 2015
→Murray, Barbara, « Helen Lieros: An Interview with Barbara Murray », Gallery, juin 1995, p. 13-18
→Lloyd, Fiona, « Helen of Gweru: The Greek in Africa, two decades of Lieros », Africa South, no 11, 1991, p. 44-45
Towards an Integrative Source: Art Zimbabwe, Ire Biennale de Johannesburg, Johannesburg (Afrique du Sud), 28 février – 30 avril 1995
→Helen Lieros. Retrospective Exhibition, National Gallery of Zimbabwe, Harare (Zimbabwe), 1991
→IIe Biennale de La Havane, La Havane (Cuba), novembre 1986
Artiste gréco-zimbabwéenne.
De son vivant, Helen Lieros est considérée comme plus qu’une plasticienne. Pendant plus de cinq décennies, elle forme et guide des générations d’artistes du Zimbabwe, défendant une forme locale d’art contemporain en résistance aux limitations de l’esthétique institutionnelle coloniale. Fille d’immigrant·es grec·ques, H. Lieros naît et grandit à Gweru, une petite ville agraire de la province des Midlands, au Zimbabwe. Elle commence à travailler précisément au moment où les tensions raciales sont à leur paroxysme au Zimbabwe, aboutissant à la guerre d’indépendance dite Deuxième Chimurenga (1964-1979). H. Lieros est perçue par beaucoup comme une artiste anti-establishment et son travail est alors étayé par l’idée de résistance. À travers son art, elle explore et négocie son identité complexe de femme africaine blanche, son héritage gréco-zimbabwéen lui conférant un profond sentiment de multiplicité. Dans son œuvre, elle juxtapose, fusionne et dissèque les éléments de son identité duelle pour mettre en lumière les rituels, croyances, cérémonies et histoires de la Grèce comme du Zimbabwe, notamment en utilisant des motifs zoomorphiques au symbolisme important dans ces deux pays.
L’enseignement artistique colonial britannique au Zimbabwe lui ayant donné l’impression d’étouffer, H. Lieros éprouve une reconnaissance éternelle pour les prix et les opportunités qui lui ont permis de quitter temporairement son pays natal. Elle obtient ainsi un diplôme d’art avec mention de l’École des beaux-arts de Genève (Suisse), où elle se forme de 1958 à 1962. C’est à cette période qu’elle reçoit le premier prix de l’Association of Women Artists, en 1960. Pendant ses études, H. Lieros visite la Grèce et d’autres pays européens afin d’explorer plus avant son héritage, qu’elle voit notamment reflété dans les œuvres d’art cycladiques et byzantines. Élève prometteuse, H. Lieros se voit attribuer en 1973 une bourse pour poursuivre ses études à l’Istituto Statale d’Arte de Florence (Italie), où elle se spécialise dans l’art mural. Cela lui offre une préparation adéquate pour la commande d’une fresque qu’elle reçoit en 1967 de la cathédrale grecque orthodoxe de Harare (Zimbabwe). À son retour au pays, sa palette de couleurs se diversifie et se renforce alors qu’elle combine l’iconographie religieuse et le large vocabulaire visuel européens avec la sensibilité, l’esprit et la ténacité que lui a offerts le Zimbabwe. Presque trente ans plus tard, elle commence à peindre de majestueuses fresques pour l’église grecque orthodoxe consacrée aux archanges Michel et Gabriel à Maputo (Mozambique), auxquelles elle travaille de 1996 à 2002, de 2008 à 2009 et en 2013.
Après ses études, H. Lieros retourne à Gweru, où elle enseigne à la Chaplin High School entre 1964 et 1967. En 1966, elle épouse le Britannique Derek Huggins (1940-2021). En 1967, ils emménagent à Harare, où H. Lieros poursuit sa pratique. Elle obtient sa première exposition individuelle à The Antique Shop, dans le centre-ville. Le couple joue un rôle clef dans l’établissement du collectif hétéroclite et multidisciplinaire The Circle, en 1972. En 1975, l’ethos de The Circle inspire à D. Huggins et à H. Lieros la fondation de la galerie Delta, dont le nom est issu de l’alphabet grec – en référence à l’héritage de H. Lieros. Tout comme ses cofondateurs, la galerie Delta jouit d’une identité multiple : il s’agit d’un lieu de rassemblement, d’un espace de production de savoir, d’une maison d’édition et d’un centre communautaire interdisciplinaire qui soutient l’écosystème artistique local par le biais d’expositions, de pièces de théâtre, de concerts, entre autres.
Le Zimbabwe obtient son indépendance en 1980 et, un an plus tard, H. Lieros est la première artiste à remporter le Prix d’honneur du président pour une peinture intitulée The Rise of the Jongwe I (1981). En 1985, H. Lieros retourne à Genève pour perfectionner sa pratique et se focalise sur l’estampe au Centre genevois de gravure contemporaine.
H. Lieros expose largement sur les scènes locale et internationale, participant à la Biennale de La Havane en 1986 et à la Ire Biennale de Johannesburg en 1995. Sa première rétrospective a lieu en 1991 à la National Gallery of Zimbabwe. Malgré sa vue déclinante, H. Lieros continue à enseigner et à peindre de manière active jusqu’à sa mort en juillet 2021, à Harare. La même année, elle est nommée National Arts Merit Awards Legend par le Conseil national des arts du Zimbabwe.
Une notice réalisée dans le cadre du projet Tracer une décennie : artistes femmes des années 1960 en Afrique, en collaboration avec la Njabala Foundation
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