Dubbeld Sabrina, Juana Muller, 1911-1952, destin d’une femme sculpteur, Paris, Somogy, 2015
→Autour de Juana Muller, sculptrices et peintres à Paris 1940/1960, cat. expo., Maison des arts, Antony (15 avril – 12 juin 2016), Antony, Maison des arts, 2016
La femme dans l’art, Museo Nacional de Balles Artes, Santiago, septembre 1975
→Juana Muller, 1911-1952, musée d’Art et d’Histoire de la ville de Meudon, Meudon, 6 janvier – 19 février 1984
→Sculpture’Elles, Les Sculpteurs femmes du XVIIIe siècle à nos jours, musée des Années 30, Boulogne-Billancourt, 12 mai – 2 octobre 2011
Sculptrice chilienne.
De 1930 à 1933, Juana Muller suit les cours de l’Escuela de Bellas Arte de Santiago sous la direction de Julio Antonio Vásquez (1897-1976) puis de Lorenzo Domínguez (1901-1963). De ces années de formation, seules subsistent quelques rares photographies de ses Têtes et de ses Bustes. Se dessinent alors les choix acérés d’une artiste qui manifeste très tôt une attirance pour la figure féminine. Les excellents résultats de J. Muller se soldent par l’obtention, en 1937, d’une bourse d’étude qui lui permet de se rendre en France. À son arrivée à Paris, elle prolonge un temps son apprentissage auprès d’Ossip Zadkine (1888-1967) qui dirige l’atelier de sculpture à l’académie de la Grande Chaumière. Elle fréquente également, de façon épisodique, l’académie Ranson où elle rencontre celui qui deviendra, en 1944, son époux, le peintre Jean Le Moal (1909-2007). C’est aussi à cette époque, vraisemblablement en 1938-1939, qu’elle fait la connaissance, décisive pour son parcours, de Constantin Brancusi (1876-1957) avec qui elle noue une amitié féconde, comme en témoigne leur abondante correspondance, conservée aujourd’hui à la bibliothèque Kandinsky. Celui-ci la prend immédiatement sous son aile, partage ses secrets d’atelier, ses points de vue sur l’art, la philosophie et la spiritualité. Preuve ultime de la confiance qu’il lui accorde, il la sollicite pour la réalisation de La Tortue volante (1940-1945).
Après le passage de J. Muller dans l’atelier de Brancusi, impasse Ronsin, sa production se métamorphose : les formats deviennent plus imposants, les matériaux se diversifient (bois, pierre, terre cuite, etc.), de même que les techniques, tandis que ses œuvres se détachent de plus en plus de la figuration. Ainsi, ses Portraits (1930-1950), qui constituent un de ses thèmes de prédilection, perdent-ils peu à peu leurs détails naturalistes pour gagner en universalité. Leur sereine beauté attire l’attention d’Henri-Pierre Roché, dont l’appétit pour les visages de femmes sculptées aux traits alliciants ne tarira jamais. Il note, dans un texte publié à l’occasion d’une exposition collective organisée à la galerie MAI en 1952, à laquelle J. Muller participe aux côtés d’Étienne-Martin (1913-1995), de François Stahly (1911-2006) et de Marie-Thérèse Pinto (1894-1980) : « Sa Tête pour un tombeau, aux yeux grands ouverts, et sa Cariatide énigmatique qui fait la moue, avec une paupière lourde, donnent une présence silencieuse. »
Dans ce Paris d’après-guerre, la sculptrice se situe au cœur de l’actualité artistique de la capitale. Elle côtoie nombre des artistes réuni·e·s par la critique sous l’appellation « nouvelle école de Paris » (Jean Bertholle, Jean Bazaine, Alfred Manessier, Pierre Tal Coat, Gustave Singier, Vera Pagava…), mais aussi Alicia Penalba (1913-1982), Marta Colvin (1907-1995) et M.-T. Pinto. Son œuvre est également défendue par les galeries Jeanne Bucher et Folklore, et elle expose régulièrement au Salon de mai ou au Salon de la jeune sculpture. Ses envois sont remarqués, en particulier les œuvres de sa série Totem qu’elle commence en 1945 et poursuivra jusqu’à son décès. Véritable axis mundi, celles-ci entretiennent, en raison de leur monumentalité contenue, des liens étroits avec l’architecture. C’est que, comme l’a écrit l’artiste, « architecture et statuaire doivent former une unité qui résulte d’une idée qui serait à la base de toute l’activité de l’homme ». Mue par le désir de renouer avec l’utopie des bâtisseurs de cathédrales, entre 1950 et 1952 elle consacre toute son énergie au projet de décoration de la nouvelle église Saint-Remy de Baccarat, en Meurthe-et-Moselle, en composant de multiples études de mobilier liturgique et diverses esquisses pour un chemin de croix sculpté.