Katia Kameli, Clément Dirié, « Le Roman algérien. Qui parle quand les images s’expriment ? », Mémoires en jeu, « L’Algérie, la guerre et ses mémoires, aujourd’hui », n°15-16, hiver 2021-2022, p. 199–206.
→Katia Kameli, textes de Omar Berrada, Clément Dirié et Kaelen Wilson-Goodie, entretien de l’artiste avec Fabienne Bideaud, Paris, Manuella Éditions, 2021
→António Pinto Ribeiro, Katia Kameli, Aimé Mpane (éds.), Europa, Oxalá, cat. exp., Mucem, Marseille (20 octobre 2021-16 janvier 2021), Lisbonne, Edições Afrontamento, 2021
Hier revient et je l’entends, Bétonsalon et Institut des Cultures d’Islam, Paris, 19 janvier – 16 avril 2023
→Le Cantique des oiseaux, La Criée, Rennes, 21 mai – 28 août 2022
→She Rekindled the Vividness of the Past, Kunshalle, Münster, 7 septembre – 24 novembre 2019
Artiste visuelle et réalisatrice franco-algérienne.
Depuis le milieu des années 2000 et ses études à l’École nationale supérieure d’art de Bourges, Katia Kameli déploie une pratique multimédia (photographie, vidéo, dessin, sculpture, installation, son et performance) en prise avec les enjeux de la culture, des identités et des imaginaires contemporains. Qu’elle s’intéresse aux généalogies hybrides du raï (Ya Rayi, 2017) ou des Fables de Jean de La Fontaine (Streams of Stories, 2015-2023), qu’elle rebatte les cartes du roman national (Le Roman algérien, depuis 2016) ou les présupposés de savoir-faire ancestraux (La Parenthèse, 2016), qu’elle interroge les procédés d’énonciation (The Storyteller, 2012) ou la portée métaphorique du mythe (Le Cantique des oiseaux, 2022-2023), elle agit en montreuse d’images, en décodeuse de représentations, en iconographe enquêtrice. Son projet s’attache à relier et à réarticuler des réalités sociales, des constructions culturelles et des moments historiques apparemment éloignés, parfois volontairement interrompus ou invisibilisés. Se définissant comme « traductrice », elle propose une extension du sens et des formes, une réécriture incarnée des influences réciproques, des contre-récits où l’émotion a toute sa place.
Si, jusqu’au début des années 2010, K. Kameli, riche de sa double culture algérienne et française, s’est principalement vouée à documenter les évolutions de l’Algérie contemporaine et à témoigner des expériences de l’entre-deux, elle prolonge ensuite cette analyse par une prise en charge des mémoires collectives. Le déplacement géographique contemporain autour de la Méditerranée se double d’un voyage historique dans le passé. À la recherche de l’histoire des origines d’une personne, d’une famille et d’une génération se superpose l’étude des strates de l’histoire d’un pays et des traditions qui le constituent, des représentations qui le révèlent ou l’occultent. Chaque fois, il est question de mettre le contexte à l’épreuve, d’effectuer recadrages et remontages, d’enrichir les narrations et les horizons. De reprendre la main pour créer un territoire commun apte à recueillir les interprétations du passé et les aspirations pour demain, où les choix de l’artiste peuvent accueillir les subjectivités de chacun·e. « Je suis une utopiste, je crois encore que l’art peut modifier les pensées uniformisantes », déclare K. Kameli. Récemment, les motifs du vernaculaire et de l’artisanat, la nécessité de rendre visible une histoire au féminin pluriel et la volonté d’associer arts plastiques, poésie et chorégraphie sont devenus des thèmes centraux.
Trois corpus sont emblématiques de sa démarche : Le Roman algérien, cycle qui propose une imago-critique sur nos rapports aux récits, aux idéologies, aux images et aux objets qui les façonnent et les traduisent à partir de l’histoire contemporaine de l’Algérie ; Stream of Stories, analyse de l’intertextualité et de la production d’images fondée sur l’exploration des origines orientales des Fables de La Fontaine ; Le Cantique des oiseaux, mise en mots et en scène d’un mythe fondateur de la tradition persane que l’artiste déplie en aquarelles, céramiques musicales, peintures murales et films.
Depuis 2016, une série d’expositions personnelles en France (Marseille, Paris, Rennes) et en Europe (Berlin, Glasgow, Kalmar, Londres, Munster) ainsi que sa présence dans d’importantes collections (BPS22, Charleroi ; Centre Pompidou, CNAP, Kadist, Paris ; MACBA, Barcelone) et sa pratique de commissaire d’exposition, notamment pour la manifestation Europa, Oxalá (Bruxelles, Marseille, Lisbonne) confèrent à K. Kameli une place de choix dans le paysage artistique européen.