Pendant plus de cinquante ans, Madonna Pearl Staunton s’est adonnée à une pratique artistique prolifique qui s’étend du collage à l’assemblage et de la peinture à la gravure. Au fil des années, elle s’est positionnée comme l’une des plus importantes contributrices à l’art moderne australien.
Introvertie autoproclamée, M. Staunton est la fille unique d’un libraire, Albert Errol Staunton, et d’une mère bibliothécaire et artiste, Madge Staunton (née Jones, 1917-1985), qui a étudié la peinture. Très tôt, cette dernière partage avec sa fille des écrits sur la théorie de la couleur et lui prodigue des leçons de peinture. À l’âge de vingt et un ans, M. Staunton décide d’élargir sa formation et entame des études de peinture et de dessin d’après modèle à la Royal Queensland Art Society, qu’elle poursuit en 1964 au Central Technical College de Brisbane.
Les grands tableaux à la gestuelle expressive qui caractérisent la pratique de M. Staunton dans les années 1960 reflètent sa volonté d’expérimenter et de donner forme à son imaginaire foisonnant – des caractéristiques qui se prolongent dans l’ensemble de sa production. Ses premiers tableaux font écho aux idées novatrices de l’expressionnisme abstrait américain et du mouvement Color Field, ainsi qu’aux canons du dadaïsme, du constructivisme et de Fluxus. Mais si M. Staunton a pu s’inspirer de certains aspects de ces mouvements internationaux, elle reste principalement fidèle à ce qu’elle nomme sa « pulsion intérieure », qui lui permet de définir sa propre approche formelle.
À la fin des années 1960, sa santé déclinante l’empêche de poursuivre son travail sur des œuvres de grande échelle. C’est à cette époque qu’elle rejoint la Contemporary Art Society (CAS) du Queensland, qui l’amène à créer en 1968 son premier collage, réalisé à l’aide de fragments déchirés de bulletins d’information de la CAS. S’ensuivent plusieurs années d’incessante création de collages, qui feront de M. Staunton l’une des artistes les plus prolifiques dans ce domaine en Australie.

Pour rester dans la continuité des tons sourds de ses tableaux, elle écume son environnement immédiat à la recherche de matériaux de récupération : détritus urbains, morceaux de papier, vieux livres, photographies, lettres et tissus délavés – fragments abandonnés, usés par le temps et imprégnés de mémoire. La superposition de carrés irréguliers et l’agencement de taches organiques du collage sur toile Untitled (1973) illustrent une obsession de la forme et de la couleur en adéquation avec son style pictural. Dans Assemblage with Plank (1988), ces mêmes principes sont appliqués à des objets tridimensionnels : ici, deux chaises en bois, une planche ornée d’éclaboussures de peinture, un cadre en bois et une pochette de disque sont assemblés au sein d’une composition pleine de fantaisie qui redéfinit les éléments du quotidien en nous invitant à les voir sous un jour nouveau. L’artiste poursuit ses recherches artistiques à travers la pratique de la gravure, du transfert au solvant, de la collotypie et du monotype.

La fin des années 1990 marque un retour à la peinture figurative chez l’artiste, dont les œuvres tardives, comme le tableau Hospital Ward (2013), traduisent son regard de plus en plus intime et mordant sur la mortalité, la moralité et la santé mentale. Au fil de sa longue carrière, M. Staunton a proposé à travers son art une réflexion sur la transcendance, la fantaisie, l’austérité et la brutalité que peuvent renfermer les matériaux banals de notre quotidien. En 1996, elle est décorée de la médaille de l’ordre d’Australie (OAM) pour sa contribution aux arts plastiques et, en 1988, elle est lauréate du Selected National Women’s Art Award décerné par la Centre Gallery, Gold Coast. En 2014-2015, elle bénéficie d’une rétrospective de son œuvre, Out of a Clear Blue Sky, à la Queensland Art Gallery de Brisbane.