Barois de Caevel Eva & Kouh Koyo (dir.), Body Talk – Feminism, Sexuality, and the Body in the Work of Six African Women Artists, cat. d’exp., Frac Lorraine (octobre 2015 – janvier 2016), WIELS Brussels (février – mars 2015), Lundskonsthall (mai – septembre 2015), Dakar et Berlin, RAW et Motto Distribution, 2015
→Onuzulike Ozioma, « Marcia Kure: Not Just a Cloth », Nka: Journal of Contemporary African Art, Duke University, Durham, 2001
→Ottenberg Simon, New traditions from Nigeria: seven artists of the Nsukka group, Smithsonian Institution Press, Washington, 1997
DAK’ART 2014, Biennale de Dakar, Dakar, Sénégal, 2014
→La Triennale – Intense Proximité, Palais de Tokyo, Paris, France, 2013
Plasticienne nigériane-états-unienne.
D’origine nigériane, Marcia Kure vit aujourd’hui à Princeton, aux États-Unis. Passée par l’université du Nigeria à Nsukka, notamment auprès du peintre Obiora Udechukwu (né en 1946), elle est aussi une ancienne élève de la Skowhegan School of Painting and Sculpture et de la Haystack Mountain School of Crafts, situées dans l’État du Maine aux États-Unis. Connue pour ses peintures, ses dessins et ses collages, M. Kure s’inspire de différentes sociétés africaines, cherchant dans les peintures traditionnelles ou corporelles, les textiles tissés et imprimés des références formelles et mythologiques qu’elle revisite. Le travail du tissu, de l’aquarelle ou la technique du découpage-collage aboutissent à la construction de corps humanoïdes hybrides, chargés, peut-être, de dévoiler les errances du concept même – voire du désir même – d’identité ou d’appartenance à une culture : « Dans un monde où il nous est constamment demandé de défendre une identité, je tente à travers mon travail de créer un espace d’entre-deux, quelque part entre les frontières » explique l’artiste.
Les collages sont un moyen de fusionner et de confronter des bribes d’images issues d’univers qui a priori ne se rencontrent pas, notamment la culture hip-hop et la mode de l’époque victorienne dans la série Ethnographica, datée de 2014. M. Kure trafique avec sophistication des corps composites, mais à la manière d’une chercheuse : elle explique qu’elle utilise souvent le vêtement comme une métaphore du corps et se voit telle une chirurgienne cousant des points de suture sur le tissu, dessinant avec des ciseaux, une aiguille et du fil, fixant ou réparant, accomplissant un acte cathartique. C’est par exemple le cas dans The Three Graces (2013), pièce inspirée du tableau Les Trois Grâces (vers 1504-1505) de Raphaël, où le feutre découpé et cousu, les perruques en matière synthétique et les boucliers de bois donnent une forme abstraite à trois portraits de femmes africaines. Construite comme un triptyque, l’installation rend hommage à des figures féminines exceptionnelles de l’histoire africaine : les amazones du Dahomey, Nandi ka Bhebhe et Funmilayo Ransome-Kuti.
Des femmes « parfois traitées comme des parias irrévérencieuses » selon M. Kure, qui a souhaité « créer une œuvre qui redonnerait forme à des histoires oubliées, invisibles et effacées, celles d’une reine zoulou du XVIIIe siècle, Nandi ka Bhebhe, d’une armée majeure, les amazones du royaume de Dahomey, et d’une nationaliste nigériane et pionnière féministe du XXe siècle, Funmilayo Ransome-Kuti ». M. Kure, en résidence en 2014 au Victoria and Albert Museum à Londres, comparait le geste enfantin du déguisement à celui de l’adulte pris·e entre des cultures parfois disjointes, entre des impératifs inconciliables, entre des esthétiques contradictoires. Dans son œuvre, le corps contemporain n’échappe pas à son histoire, au contraire, il l’incorpore et celle-ci devient matière, quelque chose qui n’est plus seulement mental, mais que l’on peut toucher : chéloïde, chaîne en or, voile et autres morceaux de tissu. « Les chéloïdes et cicatrices sont les métonymies d’une dialectique de la beauté et de la douleur. Les marques des textiles coupés, taillés et suturés répertorient les anciens et nouveaux traumatismes et douleurs, les désirs et fantasmes, individuels ou collectifs » explique l’artiste. Corps troubles, par exemple ceux de The Renate Series (2013) – des images spectrales, à l’aquarelle, de travailleur·euse·s, représenté·e·s à travers leurs attributs vestimentaires, dont l’histoire dominante ne se souvient que comme des anonymes –, corps découpés et collés (arrachés à leur milieu et bouturés) : les corps de M. Kure sont une manière non seulement de découvrir à quel point nous souhaitons nous conformer à des modèles esthétiques (corporels et vestimentaires), mais aussi de comprendre d’où vient ce que nous « portons » (vêtements, coiffure, cicatrices, souvenirs). M. Kure présente son travail lors d’expositions monographiques au Goethe-Institut de Lagos, à la Purdy Hicks Gallery à Londres et à la Susan Inglett Gallery à New York. Ses œuvres font partie de collections publiques prestigieuses telles que celles du British Museum à Londres, du Centre Pompidou à Paris, ou du National Museum of African Art à Washington.
Publication réalisée dans le cadre de la Saison Africa2020.
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