Arruda Callado Ana, Maria Martins : uma biografia, Rio de Janeiro, Gryphus, 2004
→Ramos Graça, Maria Martins : escultora dos tropicos, Rio de Janeiro, Artviva, 2009
Maria Martins : exposição de escultura em ferro, Museu da Marinha, Lisbonne, 28 mars – 28 avril 1991
→Maria Martins : metamorfoses, Museu de Arte Moderna de Sao Paulo, Sao Paulo, 10 juin – 15 septembre 2013
Sculptrice brésilienne.
Artiste marginale au sein de la création brésilienne, Maria Martins mêle dans son œuvre les apports occidentaux, et notamment surréalistes, fruits de son incessant nomadisme, aux formes et légendes d’Amazonie, alors peu investies par les artistes de son pays. Issue d’un milieu aisé, elle fréquente une école française de Rio de Janeiro et se trouve précocement destinée à une carrière de musicienne. Après l’échec d’un premier mariage, elle part en France et y rencontre Carlos Martins Pereira e Souza, diplomate, qu’elle épouse en 1926. Elle s’intéresse tardivement à la sculpture, mais ses pérégrinations auprès de son époux lui permettent de se former à différentes techniques : elle étudie à Paris auprès de Catherine Barjansky ; en Équateur, elle s’initie au travail du bois ; au Japon, elle apprend les secrets de la céramique et s’intéresse à la philosophie zen ; en Belgique, le sculpteur expressionniste Oscar Jespers lui enseigne le modelage et inspire la simplicité de ses grandes figures en bois ; aux États-Unis, où elle vit entre Washington et New York de 1939 à 1948, Jacques Lipchitz l’introduit au travail du bronze, lequel devient son matériau de prédilection. Elle lui donne forme selon l’antique technique égyptienne de la cire perdue, à laquelle elle mêle un peu de graisse, procédé qui, rendant la cire d’abeille traditionnellement utilisée extraordinairement ductile, permet de fondre d’étroites lianes d’airain aux improbables excroissances. Cette longue saison américaine constitue sa période la plus féconde. Ses sujets, même religieux, interrogent toutes les expressions du corps, surtout féminin. Qu’elle représente Salomé ou, plus tard, Yara, la sirène de l’Amazone, au sortir des eaux, ses petites figures mêlent danse et sensualité dans un langage plastique de plus en plus délié. Têtes, mains, pieds commencent à se distendre. À New York, elle fréquente Marc Chagall et Piet Mondrian, et, à partir de 1942-1943, rejoint le groupe des surréalistes en exil (André Breton, Max Ernst, André Masson et Marcel Duchamp), devient « Maria » et rallie les thématiques surréalistes en accompagnant désormais ses œuvres de petits textes sur le désir. Dès lors, les corps qu’elle représente deviennent de plus en plus complexes, organiques, végétaux, fantasmagoriques et, souvent, cruellement érotiques. Ses sujets, en revanche, restent brésiliens et puisent abondamment aux sources des légendes amazoniennes.
Elle investit avant tout la figure serpentine du reptile ou de la liane, figure qui s’affirme à la croisée du sujet amazonien, de la forme (les torsions sinueuses auxquelles elle contraint le bronze) et de l’inspiration surréaliste. A. Breton voyait dans ces œuvres la pulsion vitaliste et primitive du désir sacré qui, selon lui, faisait tant défaut à ce qu’il appelait « l’Occident ». Ainsi, Cobra grande (1946) personnifie la déesse des déesses ; Amazonia montre Cobra Norato, cette figure de l’Amazone qui, étanchant ses appétits par le sacrifice annuel d’une jeune femme, accepte, à ce prix, que la forêt renaisse. On a fait du cannibalisme qui affleure dans son œuvre une mémoire du mouvement « anthropophage » qui marque la peinture brésilienne des années 1920 et insiste sur un érotisme qu’exprimerait l’abolition de la forme. De fait, ses corps semblent échapper à la domestication du sculpteur pour rejoindre, métamorphosés, le règne végétal, s’épandre en ramifications ou s’étirer en lianes tantôt polies et tantôt rudes, évoquant la fusion des corps dans l’amour et leur féroce antagonisme. Impossible (1946), qu’elle reprend plusieurs fois, oppose face à face des créatures hybrides pleines, rondes et lisses, prolongées de tentacules pointues marquant l’attraction comme la blessure. C’est la période de sa liaison avec M. Duchamp, qu’elle rencontre en 1943 et qui lui dédicace une de ses mallettes puis moule son corps pour Étant donnés : 1. la chute d’eau 2. le gaz d’éclairage. Cette œuvre, que le spectateur peut voir à travers deux trous percés à hauteur d’homme dans une porte, commencée en 1946 et achevée vingt ans plus tard, n’est dévoilée au public qu’après sa mort. En 1950, après deux années parisiennes, la sculptrice retrouve définitivement le Brésil du constructivisme et de l’abstraction, où son œuvre, encore surréaliste et figurative, est mal reçue. Elle participe encore à quelques expositions, aide à fonder la première Biennale de Venise en 1951, le musée d’Art moderne de Rio en 1952, puis se tourne vers l’écriture, prenant la poésie, Nietzsche et la Chine comme sujets de ses essais.