Magical Mixtures: Marisol Portrait Sculpture, cat. expo., Portrait Gallery, Washington (1991), Washington, Smithsonian Inst. Press, 1991
→Pacini Marina (dir.), Marisol: Sculptures and Works on Paper, cat. expo., Memphis Brooks Museum of Art, Memphis (14 juin 2014 – 7 septembre 2014), Memphis, Yale University Press, 2014
Marisol Retrospective Exhibition, Kagoshima City Museum of Art, Kagoshima, 1995 ; Iwai City Art Museum, Fukushima, 1995 ; The Museum of Modern Art, Shiga, 1995 ; The Hakone Open-Air Museum, Kanagawa, 1995
→Marisol: Sculptures and Works on Paper, Memphis Brooks Museum of Art, Memphis, 14 juin 2014 – 7 septembre 2014 ; el museo, New York, 9 octobre 2014 – 10 janvier 2015
Sculptrice états-unienne-vénézuélienne.
Fille d’une opulente famille vénézuélienne, Maria Sol Escobar connaît une enfance rythmée par les voyages et les agapes mondaines de ses parents. Sa formation artistique se fait de manière discontinue et éclectique, largement autodidacte : elle étudie aux Beaux-Arts de Paris en 1949, se fixe à New York en 1950 et y fréquente brièvement l’Art Students League puis, plus longuement (1951-1954), la Hans Hofmann School, située dans le Greenwich Village de la Beat Generation. L’expressionnisme abstrait, style dominant de l’Amérique de l’immédiat après-guerre, marque ses jeunes années. Pourtant, les racines de son œuvre sont à chercher chez son maître H. Hofmann et sa théorie de la couleur dite « push and pull » (des associations chromatiques se repoussant ou s’attirant). Mais la jeune femme préfère la sculpture à la peinture et, si elle choisit de colorer ses œuvres, c’est hors de tout héritage formel contemporain qu’elle travaille les matières, le bois en particulier, mais aussi, plus tard, le plâtre, les objets, ou encore l’électricité. Dès le début des années 1960, son style est fixé et sa réputation faite.
En 1963, son rôle dans le film expérimental Kiss d’Andy Warhol, immortalise son appartenance au pop art. Dans les magazines, sa réputation de « party girl », ainsi que le seul nom de Marisol (« mer et soleil ») la placent au rang d’icône. Pourtant, bien que ses sujets au spectre large soient souvent extraits de cette actualité « triviale » qui a fait la fortune du pop art, les œuvres qu’elle expose, dès 1958, à la galerie Castelli à New York, puis à la fameuse Stable Gallery – suprême consécration et début de sa célébrité –, en 1962, et, plus tard et entre autres, à la Biennale de Venise, se démarquent d’autant plus de ce mouvement qu’elles possèdent une forte composante de satire sociale. Ses grands groupes de personnages aux formes simples et rigides associent les deux et les trois dimensions de manière inédite. Sur des blocs de bois brut, souvent rectangulaires, desquels elle n’extrait par exemple que les jambes et des têtes multifaces (Women and Dog, 1964), elle peint les différents points de vue (face, profils, dos) de ses figures. Seules échappent à cette plate frontalité qui rappelle la fixité des statues-colonnes de l’art médiéval et les totems de l’art amérindien tout autant que les théories de H. Hofmann, les têtes qui émergent, collées, peintes ou sculptées, parfois les mains, uniques signes d’expression de ces masques atones juxtaposés, côte à côte, dans une volontaire solitude. Ainsi arrachés au bloc, comme disséqués, ces éléments (mains, seins, têtes) mettent en avant des objets assemblés qui tiennent du ready made ou sont façonnés par l’artiste : une laisse, un sac, des photos, la tête naturalisée du chien de Women and Dog.
La sculptrice peut aussi utiliser des prothèses de plâtre pour figurer les seins, très présents dans une œuvre qui passe au vitriol la société américaine des années 1960 : le statut de la femme et de la famille traditionnelle (The Family, 1962), la société de consommation, mais aussi les grands de ce monde et les stars, comme le fait A. Warhol que d’ailleurs elle portraiture (1962-1963). Dans les années 1970, elle restitue à la sculpture son antique fonction de célébration et rend hommage à ses maîtres d’art, et, dans les années 1980, à des personnalités importantes de l’histoire américaine. Quand elle ne représente pas un personnage particulier, le président Charles de Gaulle (1967), Louise Nevelson, John Wayne, Mark Twain ou la reine Élisabeth, l’artiste prend pour modèle sa propre effigie et multiplie son image dans de singuliers autoportraits. Elle dîne théâtralement avec elle-même (Dinner Date, 1963), s’épouse (The Wedding, 1962-1963), passe ses soirées avec 14 de ses doubles (The Party, 1965-1966). Elle représente son visage peint sur les corps de sinueux poissons (la série des Fish) qu’elle fabrique dans les années 1970. En 1982, une spectaculaire Cène (Last Supper, 1982) la montre assise, contemplant le Christ de pierre et ses apôtres de bois. Ses sculptures recomposent l’image assez complète et étonnante d’une société aujourd’hui datée.