Amine Patrick (dir.), Novera : rétrospective 1969-2014, cat. expo., Salon d’exposition, Paris (16 janvier – 26 avril 2014), Paris, Pop action writing, 2014
→Abul Hasnat (dir.), Novera Ahmed, Dhaka, Bengal Publications, 2016
Novera, rétrospective 1969-2014, Salon d’exposition, Paris, 16 janvier – 26 avril 2014
Sculptrice et peintre bangladaise.
Novera Ahmed nait dans une famille lettrée et cultivée de Chittagong. Elle passe son enfance à observer sa mère fabriquer des poupées et maisons de poupées en terre et objets du quotidien, ce qui a pour effet de susciter sa fascination pour les formes tridimensionnelles. Elle apprend la sculpture à la Camberwell School of Arts and Crafts à Londres de 1951 à 1955, où elle a pour professeur l’éminent sculpteur Karel Vogel, et obtient un diplôme national en design. Elle poursuit sa formation à Florence sous la direction de Venturino Venturi.
Aujourd’hui considérée comme pionnière et première sculptrice moderne du Bangladesh, N. Ahmed fait connaître cette discipline à ce qui est alors le Pakistan oriental, avant même que celle-ci ne fasse partie du programme officiel du Government Institute of Arts de Dhaka. Elle crée la première frise murale de la ville de Dhaka à la Bibliothèque publique centrale en 1957, ainsi que la première sculpture à ciel ouvert de la ville (Cow with Two Figures [Vache et deux figures]) en 1958. Elle se fait connaître grâce à sa première exposition individuelle, intitulée Inner Gaze [Regard intérieur], qui se tient à Dhaka en 1960 et présente près de 75 pièces exécutées entre 1956 et 1960, dont la plupart sont en ciment. Il s’agit alors de la première exposition individuelle de sculpture consacrée à un sculpteur bangladais ou pakistanais. Le vocabulaire sculptural de ces années formatrices mêle les apports occidentaux de son éducation à des aspects plus traditionnels, ainsi qu’à des thématiques bouddhistes, dans un style caractéristique principalement inspiré par ses expériences en tant que femme.
Avec le muraliste Hamidur Rahman et l’architecte danois Jean Deleuran, elle participe au projet de monument Shaheed Minar à la mémoire des martyrs du Mouvement pour la langue de 1952, mais l’instauration de la loi martiale en octobre 1958 met fin à leur projet. Ce dernier voit finalement le jour, bien que partiellement, en février 1963, constitué d’un groupe de cinq colonnes érigées sur une plateforme, sans doute inspirées par le projet original de N. Ahmed.
Suite à l’invitation du poète Faiz Ahmed Faiz, alors secrétaire du Pakistan Arts Council, N. Ahmed s’installe à Lahore en 1961. Elle y séjourne plus d’un an, y produit plusieurs sculptures en ciment et plâtre (Exterminating Angel [Ange exterminateur], 1961), et obtient le prix de la Présidence à l’Exposition nationale de peinture, sculpture et arts graphiques tenue à Lahore en 1962. Elle est, d’après l’historienne de l’art Salima Hashmi, « la première à adopter un vocabulaire sculptural contemporain au Pakistan ».
N. Ahmed quitte définitivement son pays natal en 1963 et s’installe à Paris. Elle y rencontre Alberto Giacometti, Asger Jorn, et le photographe d’art parisien d’origine russe Grégoire de Brouhns.
La seconde exposition individuelle de N. Ahmed est organisée par l’Alliance française de Bangkok en octobre 1970. On la considère comme la première exposition en plein air de sculptures en métal brut en Thaïlande. Lors de son séjour dans le pays de 1968 à 1970, elle produit des sculptures d’extérieur, des bas-reliefs et des figures indépendantes en métal, cuivre et bronze soudés, ainsi qu’une série d’assemblages monumentaux réalisés à partir de morceaux d’épaves d’avions américains importées du Laos, les premières du genre. Sont également exposées une série de peintures à l’aérosol très innovantes, qu’elle effectue en se servant de pièces de machinerie comme de pochoirs [Apollo 9, 1969].
Sa troisième exposition individuelle, qui présente également des sculptures en métal et des peintures, se tient à la galerie Rive Gauche à Paris en juillet 1973. Ses œuvres révèlent une certaine affinité avec la culture de l’Asie du Sud-Est et avec l’opposition à la guerre du Vietnam. La veille de Noël 1973, elle est gravement blessée dans un accident de voiture, entravant ainsi considérablement sa production artistique. En 2014, quarante ans après sa dernière exposition, le Salon d’exposition à Paris organise une rétrospective de son travail, Novera Rétrospective 1969-2014.
On recommence à parler de N. Ahmed au Bangladesh au début des années 1990, lorsqu’un mouvement « d’intervention féministe sur l’histoire de l’art » réexamine son œuvre. En 1997, on lui décerne in absentia l’Ekushey Padak, la deuxième distinction civile la plus élevée du Bangladesh. Le musée national du Bangladesh prend enfin l’initiative de regrouper les œuvres qu’elle avait présentées lors de ses premières années à Dhaka et les expose en 1998 puis à titre posthume.
Depuis sa mort en 2015, l’œuvre de N. Ahmed continue de susciter un intérêt grandissant. Le musée Novera Ahmed ouvre ses portes en juillet 2018 à La Roche-Guyon. Le musée national du Bangladesh et le musée Novera Ahmed conservent un nombre important de ses œuvres.