Seiz, Natalie, « Phaptawan Suwannakudt », The National 4: Australian Art Now, 2021, en ligne: https://www.the-national.com.au/artists/phaptawan-suwannakudt/RE%20al-re-g(l)ory/
→Low, Yvonne. « Phaptawan Suwannakudt’s Akojorn (1995): Connecting Women », in Schmahmann Brenda (dir.), Iconic Works of Art by Feminists and Gender Activists: Mistress-Pieces, New York, Routledge, 2021, p. 223-235
→Suwannakudt, Phaptawan, « Before Womanifesto, In My Recollection, » Southeast of Now: Directions in Contemporary and Modern Art in Asia 3, no. 1, 2019, p. 175-180
Womanifesto: Flowing Connections, Bangkok Art and Culture Centre, Bangkok, 12 septembre – 30 décembre 2023
→Retold-Untold Stories, SCA Galleries & Sydney College of the Arts, Sydney, 16 mars – 30 avril 2016
→Beyond Bliss, Bangkok Art Biennale, Bangkok, 19 octobre 2018 – 3 février 2019
Artiste contemporaine et muraliste thaïlando-australienne.
« La solution a toujours été le silence », observe Phaptawan Suwannakudt au sujet de son enfance sous la dictature militaire en Thaïlande, où le fait de prendre la parole était – surtout pour une femme – déconseillé et dangereux (The National, 2021). Sa pratique artistique s’affirme toutefois comme un rejet viscéral de ce silence imposé : elle transforme la résistance passive en une protestation visuelle puissante, qui mêle la peinture murale bouddhiste traditionnelle et les discours féministes contemporains.
P. Suwannakudt vit et travaille sur les territoires gadigal et wangal de Sydney depuis 1996. Elle est reconnue comme une figure pionnière de l’art féministe en Asie du Sud-Est et est membre fondatrice de Womanifesto, un influent collectif transnational d’artistes femmes.
Les fondements de l’art de P. Suwannakudt sont à trouver dans la formation intensive en peinture murale de temple qu’elle reçoit de son père, Paiboon Suwannakudt ou Tan Kudt (1925-1982), maître reconnu qui revivifie cette pratique traditionnelle. La présence de P. Suwannakudt dans le domaine masculin et sacré de la peinture de temple est très inhabituelle – les femmes sont alors généralement exclues de l’ordination religieuse comme des rôles artistiques privilégiés au sein de la hiérarchie des temples.
À la mort de son père, en 1982, P. Suwannakudt, alors âgée de vingt-deux ans, marque l’histoire en héritant de son poste, et devient l’une des premières femmes à diriger une équipe de peintres muralistes masculins en Thaïlande. Un événement charnière se produit en 1990, alors qu’elle travaille au temple Sri Khom Kham, dans la province de Phayao : elle assiste à la vente d’une fille de douze ans par ses parents à un réseau de proxénétisme. Cette rencontre traumatisante la détourne de l’art religieux traditionnel pour l’orienter vers une pratique contemporaine traitant des injustices sociales. Cette expérience devient le sujet de sa puissante série Nariphon (1995-1996), qui représente de jeunes filles sous forme de fruits mythologiques attachés à des arbres, l’arrière-plan passant du vert au rouge, puis au brun, en écho au cycle de l’exploitation.
L’œuvre avec laquelle elle se fait un nom, Akojorn [Zone de non-droit, 1995], fait voler en éclat les tabous : elle suspend des sarongs féminins à travers l’entrée de la galerie, forçant ainsi les visiteur·ses à marcher sous ce qui est considéré comme du linge « pollué » en raison des menstruations. Cette installation audacieuse fait partie d’une exposition féministe importante de Bangkok, qui préfigure la fondation de Womanifesto.
La pratique de P. Suwannakudt évolue lorsqu’elle emménage à Sydney, en 1996 : elle développe des installations qui incluent des éléments sensoriels – herbes, épices, matériaux organiques – reliant les œuvres au lieu, à la mémoire et au rituel. Après avoir obtenu un Master of Visual Arts du Sydney College of the Arts en 2005, elle réalise une de ses sculptures notables, Retold-Untold Stories (2014), qui explore la démence de sa mère ainsi que les traditions orales des femmes lanna. La prise de conscience mondiale, en 2020, de la justice raciale et les manifestations étudiantes en Thaïlande contre les lois de lèse-majesté dans le pays inspirent ses œuvres les plus directement politiques, au sein de la série RE al-Re-g(l)ory (2021). Présentée dans le cadre de The National, prestigieuse exposition australienne (ADNSW 2021), l’installation recontextualise les affiches de propagande gouvernementale de son enfance.
À partir de 2024, P. Suwannakudt travaille sur une peinture murale du temple Theppol, à Bangkok – la seule fresque inachevée de son père. Ce projet coïncide avec le centième anniversaire de son père, ainsi cet accomplissement représente aussi bien un achèvement artistique qu’un hommage filial. Son œuvre Hidden Screens: Laplae (2025), peinte sur des paravents, explore les thèmes du temps, de la mémoire et du déplacement tout en reflétant les bouleversements politiques de la Thaïlande.
Les créations de P. Suwannakudt sont exposées à l’échelle internationale – XVIIIe Biennale de Sydney (2012), Bangkok Art and Cultural Centre (BACC) – et acquises par les collections de l’Art Gallery of New South Wales (Sydney) et de la National Gallery Singapore. L’artiste demeure ainsi une voix importante de l’art contemporain, reliant l’Asie du Sud-Est et l’Australie.
Une notice réalisée dans le cadre du programme The Flow of History. Southeast Asian Women Artists, en collaboration avec Asia Art Archive
© Archives of Women Artists, Research and Exhibitions, 2025