Macel Christine (dir.), M’as-tu vu, cat. expo., Centre Pompidou, Paris (19 novembre 2003 – 15 mars 2004), Paris, Éd. du Centre Pompidou/Xavier Barral, 2003
→Sauvageot Anne, Sophie Calle : l’art caméléon, Paris, Presses universitaires de France, 2007
→Barrel Xavier & Calle Sophie, Ainsi de suite, Paris, Xavier Barral, 2016
M’as-tu vu, Centre Pompidou, Paris, 19 novembre 2003 – 15 mars 2004
→Pour la dernière et pour la première fois, musée d’Art contemporain de Montréal, 5 février – 10 mai 2015
→Sophie Calle, musée de la Chasse et de la Nature, Paris, 10 octobre 2017 – 2 février 2018
Performeuse, photographe et vidéaste française.
Sophie Calle est la fille du médecin et collectionneur Robert Calle, à l’origine du Carré d’art, le musée d’Art contemporain de la ville de Nîmes. Pour sa première performance artistique en 1979, elle invite des inconnus venir dormir dans son lit en se relayant, pour n’être jamais seule pendant huit jours. Elle prend des photographies des participants, leur pose quelques questions et note consciencieusement leurs sujets de discussion, leurs mouvements au cours de leur sommeil. Ce travail, intitulé Les Dormeurs, retient l’attention du critique Bernard Lamarche-Vadel qui l’invite à la Biennale de Paris en 1980.
Ses œuvres suivent des règles précises et mettent en avant la forte imbrication entre sa vie et l’art. Nourries par le thème de l’absence de l’autre, elles semblent vouloir conjurer cette angoisse de la perte. Les filatures, disparitions et enquêtes envisagées comme un jeu rythment sa démarche depuis Suite vénitienne (1980), où elle suit un homme partant à Venise jusqu’à sa propre Filature en 1981, action où un détective, mandaté par sa mère, est chargé de la suivre. Il relate son enquête dans un récit accompagné de photographies.
Cette même année, dans L’Hôtel, elle est engagée comme femme de chambre à Venise. Voyeuse, elle saisit des traces laissées par les occupants des chambres pour tenter d’esquisser d’eux un portrait. Elle interroge ainsi les limites entre sphère publique et sphère privée. Tout au long de son œuvre, elle conçoit différents types de narrations (récits d’enquêtes, de voyages ou bien autobiographiques), liées à l’image photographique, comme une sorte de roman-photo. Ainsi, dans La Robe de mariée (1988), La Lettre d’amour (1988) ou encore Le Nez (2000), elle met en scène sa vie au travers de photographies et de textes. Cette forme d’art développée à partir d’une autobiographie fictionnelle est héritée des « mythologies individuelles » (notion de Harald Szeemann pour regrouper des artistes exposés lors de Documenta 5 à Kassel, en 1972) qui ont marqué l’art des années 1970.
Dans La Chambre à coucher (2003) sont rassemblés les emblèmes de ses « autobiographies » développées depuis 1988 : la chaussure rouge, le peignoir, la robe de mariée. Tour à tour objets de collection, mémoires, symboles, fétiches, ils cristallisent tous un souvenir précis, recueillis dans l’ensemble des livres Des histoires vraies (1994, réédité en 2011). En 1992, elle réalise aussi son premier film sur son histoire d’amour malheureuse avec le réalisateur Greg Shepard, intitulé No Sex Last Night. Le style de ses récits, comme leur présentation, est épuré. Citons les listes et les photographies des vitrines des cadeaux reçus de ses amis chaque année dans Rituel d’anniversaire (1980-1993), véritables documents chargés d’émotions.
Muse et inspiratrice de Paul Auster pour le personnage de Maria dans Leviathan, elle décide de partir de sa personne pour le Régime chromatique en 1997. Chaque jour d’une semaine, chacun des aliments d’un repas est décliné selon une couleur choisie par l’artiste. Sophie s’est exposée elle-même, mais elle aime aussi faire parler des autres. Dans la série Les Aveugles (1986), ceux-ci donnent leur définition de la notion de beauté et cernent par des mots la chose absente. La Couleur aveugle (1991) figure la demande adressée à des non-voyants de transcrire leur perception. Leurs descriptions sont alors confrontées à des textes d’artistes (Klein, Richter, Reinhard, Manzoni) sur le monochrome.
Calle a publié plusieurs livres, et le Centre Pompidou lui a consacré une exposition intitulée M’as-tu vue en 2004. En 2007, elle représente la France à la Biennale de Venise avec deux œuvres : Prenez-soin de vous, une lettre de rupture qu’elle a reçue, lue par 107 femmes, présentée en 2008 à la BNF, et Pas pu saisir la mort, une vidéo réalisée au moment du décès de sa mère ayant correspondu avec son invitation à représenter la France à la Biennale. Par le dialogue texte-image, elle interroge à travers ces appropriations et ces substitutions la question de la relation à l’autre omniprésente dans son travail.