Granville Pierre et Lemoine Serge, Vera Pagava, Parcours d’un peintre (1932-1982), Troyes, Cahiers Bleus, 1982
→Descargues Pierre, Vera Pagava, Vers l’indicible, Paris, Area et Descartes & Cie, 2010
→Poirier Matthieu, Vera Pagava, Corps célestes / Celestial Bodies, Paris, Jeanne Bucher Jaeger/Galerie Le Minotaure/galerie alain le gaillard/AC/VP (Association Culturelle Vera Pagava), 2016
Vera Pagava, château de Ratilly, 1968
→Vera Pagava, parcours d’un peintre, 1932-1982, musée des Beaux-Arts, Dijon ; musée départemental de l’Oise, Beauvais ; musée Saint-Denis, Reims ; musée des Beaux-Arts, Troyes ; Salon de Montrouge, 1982-1983
→Vera Pagava, corps célestes, galerie Jeanne Bucher Jaeger, galerie Minotaure et galerie Alain Le Gaillard, Paris, 2016
Peintre géorgienne.
Dans les années 1980, se remémorant l’orientation prise vingt ans plus tôt, Vera Pagava confie : « Je n’en pouvais plus de la figuration, je n’avais plus besoin de la béquille que représente la figuration. » Dès le début de sa carrière dans les années 1930 à Paris, la peinture de l’artiste géorgienne, bien que figurative, témoigne d’une forte inclination pour les principes de l’abstraction. Dans une veine postcubiste, le schématisme épuré de ses premières œuvres, soutenu par une palette sombre et restreinte, traduit déjà sa volonté d’aller à l’essentiel. Qu’il s’agisse de ses portraits, de ses natures mortes ou de ses scènes religieuses, elle semble moins intéressée par le potentiel narratif des sujets que par la manière dont les motifs, zones de couleurs précises et quasi unies, s’agencent à la surface de la toile. C’est avec une grande liberté qu’elle poursuit ensuite ce travail dans de multiples directions. Tandis que la simplification du Campanile (1957) ressuscite les primitifs prérenaissants, la Nature morte bleue (1949) évoque autant les jeux de transparence matissiens que la facture lisse et aseptisée des toiles d’Amédée Ozenfant et de Le Corbusier.
Dans les années 1950, V. Pagava s’essaie à des jeux optiques liés à la démultiplication du motif et à la confusion des plans. Les silhouettes de ses scènes de bataille comme La Chute des anges (1953) rappellent les différentes « danses » (1930-1933) d’Henri Matisse autant qu’elles annoncent les arabesques colorées que Simon Hantaï réalisera par pliage dix ans plus tard. Avec la série des villes, elle expérimente les imbrications de rectangles colorés, semblant poursuivre, de manière tout à fait innovante, les recherches du Robert Delaunay simultanéiste et du Piet Mondrian cubiste des années 1910.
Dès 1960, débarrassée de la « béquille » de la figuration, V. Pagava ne peint presque plus que des formes géométriques aux contours courbes et irréguliers. Déjà exploré dans ses peintures biomorphiques de la fin des années 1930 – Forme à la guitare (1938) par exemple –, ce traitement très libre de la géométrie confère fluidité et organicité à ces éléments bruts, ce qui la rapproche davantage de l’œuvre de Sophie Taeuber que de celles des partisans de De Stijl. Son travail devient ensuite de plus en plus éthéré. Ses aquarelles exposées, avec les pièces d’autres artistes, au pavillon français de la Biennale de Venise en 1966, comme ses grandes toiles, tel le quasi-monochrome noir Présence (1963), font écho aux monochromes atmosphériques de Mark Rothko. La fin de sa carrière se caractérise par des formes géométriques représentant des astres, des ciels ou des montagnes, des « ascensions ». Simples et efficaces, ces « corps célestes » semblent être les gracieuses manifestations d’un cosmos intime et spirituel, ultime étape d’un parcours dont la richesse et la diversité témoignent d’une inventivité sans cesse renouvelée.
Fille unique d’une famille géorgienne aisée et cultivée, V. Pagava a fui, avec ses proches, l’annexion soviétique et s’est installée en France, à Montrouge, en 1923. Formée principalement à l’académie Ranson dans l’atelier du peintre Roger Bissière, elle présente pour la première fois ses peintures à la galerie Jeanne Bucher en 1944. À partir de cette date, elle participe à de nombreuses expositions collectives en France comme à l’étranger. L’artiste a également réalisé quelques commandes publiques dont la plus importante concerne les vitraux et le mobilier de l’église Saint-Joseph à Dijon, inaugurés en 1987.