Santa Cruz Gamarra, Victoria, Ritmo: El eterno organizador, Lima, COPÉ / Departamento de Relaciones Públicas de PetroPerú, 2004 [En anglais : Rhythm… The Eternal Organizer, traduit par Susan Polansky, Carnegie Mellon University, 2019
→Santa Cruz Gamarra, Victoria, Victoria Santa Cruz: Escritos Varios, Santa Cruz Urquieta, Octavio (comp.), Lima, Centro de Desarrollo Étnico CEDET, 2023
→Jones, Marcus D., Carrillo, Mónica et Martinez, Ana, « An Interview with Victoria Santa Cruz », Callaloo, no 34, printemps 2011, p. 304-308
Choralités, La Maison populaire, Montreuil, mai – juillet 2023
→Une avant-garde féministe. Photographies et performances des années 1970 de la Collection Verbund, La Mécanique Générale, Les Rencontres de la photographie, Arles, juillet – septembre 2022
→Radical Women: Latin American Art, 1960–1985, Brooklyn Museum, New York City, avril – juillet 2018
Dramaturge, chorégraphe, poétesse et performeuse afro-péruvienne.
Victoria Eugenia Santa Cruz Gamarra naît dans la capitale péruvienne au sein d’une famille nombreuse, riche de penseur·ses et d’artistes. À travers ses multiples contributions culturelles et artistiques, elle célèbre la richesse, la diversité et l’héritage intellectuel des personnes afrodescendantes, plaçant leurs expériences et leur mémoire collective au cœur de son travail. V. Santa Cruz affronte avec audace le racisme structurel enraciné en Amérique latine, façonné par les idéologies pervasives du mestizaje – un cadre racial centré sur la blancheur, imbriqué dans des hiérarchies de classe et de genre. Son legs artistique est constitué d’œuvres pionnières, qui élargissent l’horizon de la culture (afro-)péruvienne, d’initiatives novatrices de mentorat pour de nouvelles générations d’artistes, ainsi que d’un engagement profond auprès des différents courants de l’Internationalisme noir.
De 1958 à 1961, V. Santa Cruz cofonde et codirige, aux côtés de son frère Nicomedes Santa Cruz (1925-1992), Cumanana, la première compagnie de théâtre noir du Pérou. À travers cette troupe, ils explorent l’histoire afro-péruvienne sous les prismes de la race, du genre et de la classe sociale, notamment dans des pièces comme Malató (1961), des enregistrements tels que Ingá (1960), et des chansons comme Callejón de un solo caño [Ruelle à sens unique, 1958]. Au sein de Cumanana, V. Santa Cruz élabore une méthode de formation fondée sur la redécouverte de soi et la reconnexion aux racines culturelles africaines, en s’appuyant sur la cadence intérieure et la notion de memoria ancestral [mémoire ancestrale] – un concept qu’elle affinera tout au long de sa carrière et qu’elle théorise dans son ouvrage Ritmo… El eterno organizador [Rythme… L’éternel organisateur, 2004].
Entre 1962 et 1966, V. Santa Cruz étudie le théâtre et la chorégraphie à Paris, à l’université du théâtre des Nations et à l’École supérieure des études chorégraphiques. Elle y suit l’enseignement de figures majeures telles que l’acteur Jean-Louis Barrault, le dramaturge Eugène Ionesco et le chorégraphe Maurice Béjart. Elle travaille également comme costumière et crée son ballet La muñeca negra [La Poupée noire, 1965], présenté en première au Théâtre de la Ville – Sarah Bernhardt.
De retour au Pérou, V. Santa Cruz fonde en 1967 la troupe Teatro y Danzas Negros del Perú [Théâtre et Danses Noires du Pérou], qui se produit tant sur le territoire national qu’à l’international, notamment aux Jeux olympiques d’été de 1968 à Mexico. Ils interpréteront par la suite des œuvres telles que Negro es mi color [Noire est ma couleur, 1980]. En 1969, V. Santa Cruz est nommée directrice de l’Escuela Nacional de Folklore [École nationale de folklore]. En 1973, elle fonde et dirige le Conjunto Nacional de Folklore [Ensemble national de folklore], qu’elle conçoit comme une expression unifiée des danses issues de la côte, de la Sierra et de l’Amazonie. Sous sa direction, l’ensemble se produit au Pérou et effectue des tournées en Amérique du Nord, en Amérique centrale, ainsi qu’en Europe. L’année suivante, elle est invitée à Dakar par le président-poète et cofondateur de la Négritude, Léopold Sédar Senghor, pour participer au colloque international « La Négritude et l’Amérique latine ».
Après avoir mis fin à ses fonctions en 1982, V. Santa Cruz fait ses adieux au pays avec le spectacle Adiós al Perú [Adieu au Pérou], puis s’installe à Pittsburgh (États-Unis), où elle enseigne à la Carnegie Mellon University. Elle y termine sa carrière en tant que professeure émérite en 1999. Elle retourne au Pérou en 2000, où elle élargit sa réflexion artistique en investiguant les liens entre musique et santé, tout en intervenant activement dans les médias nationaux. En 2004, elle dirige et interprète sa dernière création scénique, La magia del ritmo [La Magie du rythme]. V. Santa Cruz s’éteint à Lima en 2014. Elle reçoit un hommage solennel avec une mise en bière au Musée national. Depuis sa disparition, sa poésie et ses performances ont été mises à l’honneur dans des musées et centres culturels au Pérou, en France et aux États-Unis. En 2024, l’État péruvien a reconnu l’ensemble de son œuvre comme patrimoine culturel de la nation.
Enracinée dans un ethos décolonial, féministe et antiraciste, l’œuvre de V. Santa Cruz explore la négritude et l’Atlantique noir depuis une perspective afrodiasporique propre à l’Amérique latine, façonnée tant par son parcours de vie que par ses engagements politiques. Cette vision singulière s’incarne avec force dans son poème de spoken word fondateur, ¡Me gritaron negra! [Ils m’ont crié : « Noire ! », 1978]. Depuis les années 2010-2020, la résonance croissante de ce poème a amplifié l’influence de V. Santa Cruz bien au-delà des frontières péruviennes, consacrant sa place parmi les figures culturelles d’ascendance africaine les plus emblématiques en Amérique latine et dans l’ensemble du monde hispanophone.
Une notice réalisée dans le cadre du programme « The Origin of Others. Réécrire l’histoire de l’art des Amériques, du XIXe siècle à nos jours » en partenariat avec le Clark Art Institute.
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