Gashū Ogura Yuki (A collection of works by Yuki Ogura), edited by Natsuko Kusanagi. Tokyoe Nihon Keizai Shinbunsha, 1993.
→Ogura, Yuki. “Tōtō ekaki ni natte shimatta” [A la fin, je suis devenue peintre], dans Ogura Yuki gashū: Gagyō shichijūnen, Tokyo, Asahi Shinbunsha, 1986.
→Ogura, Yuki, Gashitsu no uchisoto (The art studio inside and out), Tokyo, Yomiuri Shinbunsha, 1984.
Yuki Ogura, Hiratsuka Museum of Art, octobre – novembre 2018
→Yuki Ogura: Ten Years After Her Death, Hyogo Prefectural Museum of Art, Kobe, février – avril 2010; Utsunomiya Museum of Art, avril – mai 2010
→Yuki Ogura, The National Museum of Modern Art, Tokyo, août – octobre 2002 ; The Museum of Modern Art, Shiga, octobre – novembre 2002
Peintre de nihonga japonaise.
Peintre de style japonais (nihonga), Yuki Ogura poursuit sa fertile activité créatrice jusqu’à sa mort en 2000, à l’âge de cent cinq ans. Alors que nombre de femmes de sa génération abandonnent leur carrière d’artiste face à la difficulté de concilier leur vie de famille et leur métier, elle est une des rares figures féminines de son temps à réussir à se forger un nom et une solide réputation au Japon, comme en témoigne le fait qu’elle est la deuxième femme peintre à se voir décerner, en 1980, l’Ordre du mérite culturel.
Diplômée avec mention de l’École normale supérieure pour jeunes filles de Nara (actuelle Université féminine de Nara) en 1917, elle embrasse d’abord le métier d’enseignante. Jusque-là, les seuls cours de dessin qu’elle avait suivis étaient ceux dispensés à l’École normale. Après des tâtonnements en autodidacte, elle se forme auprès du peintre de nihonga Yasuda Yukihiko (1884-1978) à partir de 1920. Elle tente alors sa chance dans les expositions organisées par le Nihon Bijutsuin [Institut des arts du Japon], association dont son maître est membre. Elle est admise à y exposer pour la première fois en 1926, à l’âge de trente et un ans. Elle devient membre à part entière du Nihon Bijutsuin en 1932.
Le Nihon Bijutsuin regroupe à sa naissance en 1898, de façon non officielle, des artistes désireux d’échanger et de poursuivre leurs recherches sur le nihonga et la sculpture. Reformée en 1914, l’association affiche le principe de liberté de création pour ses membres, dans le respect de la tradition orientale des arts, et contribue ainsi à former de nombreux jeunes peintres de nihonga. Yuki Ogura conjugue son métier d’enseignante et son statut de membre du Nihon Bijutsuin, qui la contraint à exposer régulièrement, auxquels s’ajoute la nécessité de devoir s’occuper de sa mère malade. Elle racontera plus tard qu’elle a pu surmonter cette période difficile et grandir grâce à l’enseignement du bouddhisme zen. Elle épouse d’ailleurs en 1938 son maître de zen, Tetsuju Ogura, de trente ans son aîné, et, tout en consacrant une bonne partie de son temps à sa mère et à son mari, poursuit ses activités de création avec un infatigable acharnement.
Yuki Ogura expliquera aussi que l’enseignement de son maître Yasuda Yuki lui a servi de boussole tout au long de sa vie, notamment concernant l’importance de ne jamais passer à côté de la réalité des sujets peints, et aussi de ne pas se laisser enfermer dans un style qu’elle se serait forgé. Forte de ces principes, elle s’efforce d’observer attentivement tout ce qui l’entoure au quotidien, de créer des œuvres qui capturent la vie intérieure de ses sujets et de saisir les émotions. Une œuvre emblématique de ses débuts a trait au thème des baigneuses : dans Yoku on’na sonoichi [Femmes au bain, 1938], les lignes des corps et celles du carrelage du bassin sont audacieusement déformées pour suggérer l’eau qui ondoie. Ce faisant, Yuki Ogura parvient à éliminer la dimension émotionnelle généralement associée aux scènes de bain pour privilégier une intéressante recherche sur les formes, témoignant de son intérêt pour la construction plastique. Dans Yoku on’na sono ni [Après le bain, 1939], elle produit un effet visuel inattendu dans l’opposition entre les mouvements désordonnés des femmes en train de se changer et la régularité du motif géométrique au sol.
Durant la décennie suivant la défaite de 1945, les arts européens sont introduits plus largement au Japon. Yuki Ogura s’inspire des techniques de représentation qu’elle découvre pour les intégrer dans son nihonga. Le fond rouge vif sur lequel se détachent les motifs rayés de la chaise longue et du kimono du modèle dans Kō-chan no kyūjitsu [Journée de repos pour Mlle Koshiji, 1960] n’est pas sans rappeler Henri Matisse (1869-1954). Les déformations des corps massifs de Boshi [Mère à l’enfant, 1961] évoquent Pablo Picasso (1881-1973). Mais, loin de se contenter d’une simple imitation, Yuki Ogura combine ces éléments de la peinture occidentale avec les qualités décoratives propres à la peinture traditionnelle japonaise pour développer un nihonga réfléchi et contemporain. C’est à partir de cette époque qu’elle commence à accumuler prix et récompenses.
Son style évolue de nouveau à partir de ses soixante-dix ans. Ses compositions restent travaillées, mais plus simplifiées, plus claires, pour une représentation « lumineuse, chaleureuse, joyeuse », selon les propres termes de l’artiste, à laquelle adhère un large public. Wataru [Sur le chemin, 1966], où l’on voit une mère se promenant avec son enfant et son chien, continue aujourd’hui encore à faire chavirer le cœur des spectateurs. C’est la ferveur d’un moine bouddhiste qui lui aurait donné l’idée de cette œuvre : l’interprétation qu’elle en fait révèle toute la maturité de Yuki Ogura au faîte de son art. On ne saurait non plus passer sous silence les ravissantes natures mortes qu’elle peint à maintes reprises sur le tard, surnommées par Yasuda Yuki les « spécialités de Kita-Kamakura », en référence à la ville où Yuki Ogura réside alors.
Yuki Ogura devient membre de l’Académie des beaux-arts du Japon en 1976 et préside entre 1990 et 1996 le Nihon Bijutsuin, au sein duquel elle n’a cessé d’être active depuis ses débuts. Elle est également l’autrice de plusieurs ouvrages, dont Gashitsu no naka kara [De l’intérieur de l’atelier, Chūō Kōron Bijutsu Shuppan, 1979] et Gashitsu no uchi soto [L’Intérieur et l’Extérieur de l’atelier, 1984].
Une notice réalisée dans le cadre du programme « Artistes femmes au Japon : XIXème – XXIème siècle »
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