Pierre Jaccaud, Angèle Etoundi Essamba : voiles et dévoilements, Apt, Fondation Jean-Paul Blachère, 2008
Angèle Etoundi Essamba, fondation Blachère, Apt, 2008
→Daughters of Life, Museum Fünf Kontinente, Munich, 2018
Photographe camerounaise.
Angèle Etoundi Essamba quitte le Cameroun en 1972 pour la France, où elle demeure jusqu’à la fin de ses études secondaires. Après le baccalauréat, elle s’installe à Amsterdam, où elle s’initie, à partir de 1984, à la photographie et où elle suit les cours de la Nederlandse Fotovakschool (École professionnelle néerlandaise de la photographie), dont elle sort diplômée. Comme elle l’affirme dans le livret de l’exposition Force et fierté (Dakar, musée Théodore-Monod, 2016), par son œuvre, A. Etoundi Essamba a toujours voulu « montrer la femme ». Son travail, prolifique, révèle effectivement une ambition constante : se consacrer à la photographie des femmes africaines « au-delà des stéréotypes ». Des stéréotypes qui peuvent être issus des fantasmes aussi bien de l’afro-pessimisme que de l’afro-optimisme. C’est de cette manière que les images d’A. Etoundi Essamba, si elles sont profondément esthétiques – ode et fascination pour le corps féminin, noir –, sont aussi politiques. Défiant les limites entre photographie réaliste, témoignage sociétal ou documentaire et mise en scène plastique qui joue avec la matière photographique (les noirs, les contrastes, les reflets), ces images s’efforcent d’être à l’unisson de la complexité de leurs sujets.
Elle revendique des inspirations multiples : photographes africain·e·s ou états-unien·ne·s, et influences des divers pays au sein desquels elle a grandi et évolué. Cependant, elle a toujours dit vouloir dédier ses créations à la représentation de son « héritage africain ». De la fin des années 1980 au début des années 2000, à l’époque des Passions, Contrastes et Noirs, A. Etoundi Essamba s’attache à montrer, uniquement en noir et blanc, des femmes « fortes, fières et conscientes de leur existence ». Des œuvres telles que Cobra (1986), Femme portant l’univers (1993), Rupture 2 (1993), Héritage 3 (1999), Noir 26 et Noir 40 (2000) ou Cheveux de paille 2 (2005) relèvent de cette première période. S’ensuivront des séries marquées par le passage à la couleur – transition motivée par des émotions esthétiques ressenties par l’artiste à Zanzibar et en Mauritanie – qui, tout en restant fidèles à l’objectif de représentation de la femme noire et au travail entrepris sur les contrastes et les matières, s’intéressent de plus en plus à des communautés et à des « héritages africains » spécifiques : des pratiques, des ressources, des récits, localisés et endémiques. C’est par exemple le cas d’Un air d’antan (2002), de Jaune bambou (2008), Second Skin et Second Skin 3 (2014), Healing 5052 (2016) ou Appartenance 4 (2018). Cette orientation, plus anthropologique, se confirme dans les séries Invisible (2015) et Femmes de l’eau (2013) (dont Regard sorti des profondeurs) : narration photographique de la vie de femmes travaillant dans les secteurs de l’énergie, de la construction, du commerce et de l’agriculture, et récit du quotidien des femmes de Ganvié, au Bénin, qui pratiquent la pêche à l’huître, le négoce et le transport de marchandises.
Depuis sa première exposition à Amsterdam en 1985, le travail d’A. Etoundi Essamba a été montré dans nombre d’institutions, de biennales (entre autres celles de Venise, La Havane, Dakar, Johannesburg et Bamako) et de foires, en Afrique, en Europe, aux États-Unis, à Cuba, au Mexique ou encore en Chine. Beaucoup d’expositions monographiques lui ont été consacrées à l’étranger, notamment des rétrospectives, comme Daughters of Life, au Museum Fünf Kontinente à Munich, en 2018. Ses œuvres sont présentes dans plusieurs collections publiques et particulières.