Joosten, Ben, Sculptors from Zimbabwe: The First Generation, Dodewaard, Galerie de Strang, 2001
→Mariga, Joram, Young Farmers Club, cat. exp., Mutare, Umscan, 1981
Young Farmers Club Exhibition, Mutare Gallery, Mutare, Zimbabwe, 1981
Sculptrice zimbabwéenne.
La carrière artistique d’Annastasia Munyawarara, née le 3 mars 1949, fut relativement brève. Elle a pourtant produit une empreinte durable sur la communauté zimbabwéenne des sculpteur·rices de pierre, ainsi que dans sa propre famille d’artistes. Ses premières pièces, qu’elle réalise en grès, attirent l’attention de Frank McEwen (1907-1994), premier directeur de la Rhodes National Gallery (aujourd’hui National Gallery of Zimbabwe). L’acquisition par F. McEwen de deux de ses œuvres pour la collection du musée vers 1963 constitue l’un des premiers gestes de reconnaissance institutionnelle de son talent – un fait remarquable à une époque où les artistes femmes sont largement invisibilisées. Cet épisode s’inscrit dans une période charnière de l’histoire artistique du Zimbabwe, au moment où ce qui sera promu à l’international sous l’étiquette coloniale et commerciale de « sculpture shona » – un terme réducteur pour un mouvement moderne pluriel et foisonnant – commence à gagner en visibilité sur la scène mondiale.
Sa trajectoire artistique s’est déployée au sein d’un environnement profondément créatif : son époux, Joram Mariga (1927–2000) – souvent considéré comme le père de la sculpture sur pierre zimbabwéenne – est à la fois son mentor et une figure essentielle de son développement. Plusieurs de leurs cinq enfants – Mavis, Walter, Daniel, Aaron et Jay – embrassent à leur tour des carrières artistiques. C’est lorsque J. Mariga, alors employé comme démonstrateur agricole, est muté à Chiredzi (Jack Quinton Bridge), bourg rural du sud-est du Zimbabwe, dans la province de Masvingo, près de la frontière mozambicaine, qu’A. Munyawarara-Mariga se met à sculpter pour occuper son temps dans cet environnement linguistiquement et culturellement différent du sien. Ce qui n’est au départ qu’un modeste passe-temps prend bientôt les dimensions d’une authentique démarche artistique, à mesure que l’artiste affine ses capacités techniques et créatives, avec le soutien de son mari.
Dans les années 1960 et 1970, les opportunités offertes aux sculptrices au Zimbabwe (alors identifié sous le nom de Rhodésie) demeurent extrêmement limitées. Travailler la pierre – un matériau traditionnellement associé à la force physique et aux idéaux masculins – expose les artistes femmes à un manque de reconnaissance et de soutien. Malgré ces obstacles et sa séparation avec J. Mariga, A. Munyawarara persiste dans sa démarche. Bien qu’elle expose rarement dans des cadres officiels, son œuvre attire l’attention de collectionneur·euses internationaux·ales et est parfois présenté dans des expositions d’intérêt local. Ses sculptures de grès traduisent une force tranquille et une sensibilité intuitive à la forme, reflet de son environnement et de son expérience vécue. Si l’association possible d’A. Munyawarara au Nyatate Group – actif à Nyanga entre 1962 et 1968 environ – reste non documentée, il est plausible qu’elle ait pris part à ce milieu créatif par proximité géographique et influences partagées. Formé autour des premières expérimentations de J. Mariga dans la taille de la pierre, le groupe rassemble certain·es des premier·ères sculpteur·rices modernes du Zimbabwe, parmi lesquel·les Ndakatsikeyi Manyandure (v. 1885-?), l’une des rares femmes identifiées au sein de la communauté. N. Manyandure est restée dans les mémoires comme une figure extraordinaire et non conformiste, qui se lance dans la sculpture à un âge déjà avancé. Travaillant à genoux, on la surnomme Karambaduku Kamunamuna (« celle qui ne porte pas le turban, celle qui est comme un homme »). À l’instar de N. Manyandure, A. Munyawarara, grâce à sa persévérance et sa liberté artistique, a silencieusement, mais puissamment, remis en question les frontières de genre au sein de la sculpture zimbabwéenne du milieu du xxe siècle.
En 1981, année d’une de ses rares expositions en galerie connues (Young Farmers Club Exhibition, Mutare Gallery, Mutare, Zimbabwe), A. Munyawarara met un terme à sa pratique afin de se consacrer à l’éducation de ses enfants. Malgré son importance, son œuvre demeure mal connu – reflet des lacunes archivistiques plus larges qui touchent les artistes femmes de sa génération au Zimbabwe.
Une notice réalisée dans le cadre du projet Tracer une décennie : artistes femmes des années 1960 en Afrique, en collaboration avec la Njabala Foundation
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