Kim Sunhee, « Between Us », Shiota Chiharu, Gana Art Center/Gana Art Nineone, Séoul, Corée du Sud, 2020
→Kataoka, Mami, « Death = Questioning the Roots of Life : Chiharu Shiota’s Cosmogony », Chiharu Shiota : The Soul Trembles, Tokyo, Bijutsu Shuppansha / Mori Art Museum, 2019
→Akiko Kasuya, « Dream Work – Chiharu Shiota », Chiharu Shiota : Breathing the Spirit, Musée national d’art, Osaka, 2008
The Soul Trembles, Mori Art Museum, Tokyo, Japon, 20 juin – 17 octobre 2019 ; Museum of Art, Busan, 17 décembre 2019 – 19 avril 2020 ; Fine Arts Museum, Taipei, 1 mai 2021 – 17 octobre 2021 ; Long Museum, Shanghai, 19 décembre 2021 – 6 mars 2022 ; Gallery of Modern Art, Brisbane, 18 juin 2022 – 3 octobre 2022 ; Museum MACAN, Jakarta, 26 novembre 2022 ; 30 avril 2023 ; Art Museum, Shenzhen, 7 novembre 2023 – 14 janvier 2024 ; Grand Palais, Paris, 11 décembre 2024 – 19 mars 2025
→Chiharu Shiota : Tracing Boundaries, EMMA, Musée d’art moderne, Espoo, 27 octobre 2021 – 27 novembre 2022
→Chiharu Shiota : The Key in the Hand, Pavillon du Japon, 56e Biennale de Venise, Venise, Italie, 2015
Artiste contemporaine japonaise.
Pendant ses études à la Faculté des beaux-arts de l’université Seika de Kyoto, Chiharu Shiota participe à un programme d’échanges avec l’École d’art et de design de l’Université nationale d’Australie : elle y réalise ses premières performances et installations, s’écartant de la peinture qui est jusqu’ici son mode d’expression. Elle part en Allemagne en 1996 pour affiner sa formation, d’abord à l’Université des beaux-arts de Hambourg, puis auprès de Marina Abramović (née en 1946) à l’École supérieure des beaux-arts de Brunswick (HBK), et enfin à l’Université des arts de Berlin auprès de Rebecca Horn (1944-2024). Dès lors, c’est de la capitale allemande qu’elle poursuit une carrière artistique internationale. Sélectionnée en 2015 pour représenter le Japon à la 56e Biennale de Venise, elle marque les esprits du monde entier comme « l’artiste aux installations aux fils rouges » avec The Key in the Hand, œuvre dans laquelle s’entremêlent des nuées de fils rouges reliant deux barques et 180 000 clés… Son exposition monographiqueThe Soul Trembles, organisée au Mori Art Museum de Tokyo en 2019, et reprise à ce jour dans sept musées d’Asie-Pacifique, lui fournit l’occasion de structurer sa démarche créative riche d’une multiplicité de couches et de consolider sa notoriété sur la scène internationale. Elle est récompensée dès 2008 par le Prix d’encouragement des jeunes artistes décerné par le ministre japonais de l’Éducation et de la Culture, et son travail est de nouveau consacré en 2020, avec le prix Mainichi des arts.
Elle prend conscience de sa fibre artistique à l’âge de 12 ans. Ses parents tiennent une manufacture de bacs à poissons, et elle raconte qu’elle aspire déjà à un épanouissement spirituel, n’arrivant pas à se contenter de biens matériels. Arrivée à l’université, elle ne cesse d’interroger les notions fondamentales de la vie, de la mort et de l’existence, à travers des œuvres qui tentent de représenter la vie et son environnement avec des matériaux comme des cendres ou des cordons ombilicaux. Bouleversée par la puissance, l’énergie et la vitalité qui se dégagent de l’œuvre de Magdalena Abakanowicz (1930-2017), qu’elle découvre à 19 ans à l’occasion d’une exposition qui lui est consacrée au musée départemental de Shiga, C. Shiota décide alors de poursuivre ses études à l’étranger. « L’existence dans l’absence » devient un thème majeur qu’elle explore de façon constante tout au long de sa carrière.
Elle commence par se mettre elle-même en scène dans de premières performances-réflexions sur l’existence, par exemple dans Becoming Painting (1994), Try and Go Home (1997) ou encore Bathroom (1999). A la même époque apparaissent aussi des installations comme cette immense robe suspendue de After That (1996), qui interroge le sens de l’existence à travers une représentation en l’absence de toute enveloppe corporelle. Lors de sa première participation à une grande exposition internationale, à savoir la Première Triennale d’art contemporain de Yokohama en 2001, elle fait un début remarqué avec une installation composée de gigantesques robes de 13 mètres de haut recouvertes de boue et accrochées au plafond, sur lesquelles se déverse de l’eau de façon ininterrompue. La robe, symbole d’une « deuxième peau », devient dès lors un motif récurrent dans l’œuvre de C. Shiota. Le fait de devoir remettre en question sa propre identité dans une Allemagne cosmopolite et multiculturelle et d’être confrontée directement à l’histoire sociopolitique unique d’une ville comme Berlin, où elle vit depuis 1997, n’est sans doute pas étranger à l’évolution de sa pratique artistique.
Les installations avec des fils, devenues aujourd’hui sa marque de fabrique, débutent en 1999 quand elle se met à tendre des fils autour de son lit dans sa propre chambre à coucher. Un lit est à la fois le lieu où l’on s’endort à la fin de la journée, le lieu où l’on rêve, le lieu où l’on se réveille. C’est aussi le lieu où l’on vient au monde quand on sort du ventre de sa mère, mais aussi le lieu de sa mort… L’ambivalence de cet univers, à la frontière entre rêve et réalité, entre ici-bas et au-delà, illustre parfaitement le thème de « l’existence dans l’absence ». Quant aux fils, qui permettent de façonner des espaces de dimensions diverses et de suggérer une histoire, ils symbolisent une vision qui relie le monde cosmique au monde imaginaire et au corps de C. Shiota. Les fils noirs forgent des espaces noir de jais, invitant à sortir du monde des rêves pour pénétrer dans l’obscurité de l’abîme cosmique. Les fils rouges symbolisent, quant à eux, le microcosme de notre corps avec ses vaisseaux sanguins où circule le sang, mais donnent aussi une forme tangible à l’expression du « fil rouge », qui désigne les liens invisibles du destin qui relient les êtres humains entre eux.
Outre l’expérience accumulée en tant qu’artiste, l’expérience personnelle de C. Shiota – son accouchement, sa fausse couche, la mort de ses proches, son cancer avec ses rechutes – a conféré une sensibilité et une puissance à son œuvre qui interrogeait déjà les thèmes existentiels. Nul doute que sa créativité continuera à être aiguisée par cette énergie provenant du tréfonds de son corps et de son âme, dans une quête éternelle de « l’existence dans l’absence ».
Une notice réalisée dans le cadre du programme « Artistes femmes au Japon : XIXe-XXIe siècle »
© Archives of Women Artists, Research and Exhibitions, 2024