Erger Georgia (dir.), to take root among the stars, cat. expo., Frye Art Museum, Seattle, 7 octobre 2023 – 7 janvier 2024, Seattle, Frye Art Museum, 2023
→Brooks Vic, Stewart Jo (dir.), Mojo’q che b’ixan ri ixkanulab’ / Antes de que los volcanes canten / Before the Volcanoes Sing, New York, The Curtis R. Priem Experimental Media and Performing Arts Center at Rensselaer Polytechnic Institute, 2022
→Tossin Clarissa, Unmapping the World / Desmapeando o Mundo, livre d’artiste, Los Angeles, Clarissa Tossin, 2015
to take root among the stars, Frye Art Museum, Seattle, octobre 2023 – janvier 2024
→Falling From Earth, Museum of Contemporary Art, Denver, juin-août 2022
→Circumnavigation jusqu’à épuisement, La Kunsthalle, Mulhouse, juillet-octobre 2021
Plasticienne brésilienne.
Clarissa Tossin est diplômée d’un Bachelor of Fine Arts de la Fundação Armando Alvares Penteado de São Paulo en 2000 et d’un Master of Fine Arts du California Institute of the Arts, Valencia, en 2009. Au moyen de l’image animée, de la sculpture et de l’installation, elle propose des récits alternatifs de lieux définis par les histoires de la colonisation. En mêlant recherche, narration, actes de cartographie et de stratification, C. Tossin fait entrer en conversation des éléments à première vue disparates, produisant des moments étonnants de correspondances à travers le temps et l’espace. L’enfance de C. Tossin à Brasilia influence fortement ses premiers films et installations, qui s’emploient à déconstruire l’histoire moderniste du Brésil. Au fil des années, les sujets de ses œuvres se diversifient jusqu’à aborder des géographies qui vont de son foyer d’adoption, Los Angeles, aux vastes étendues cosmiques.
Lors de ses expositions individuelles Circumnavigation Towards Exhaustion à La Kunsthalle de Mulhouse (2021) mais aussi au Museum of Contemporary Art de Denver (2022) et au Frye Art Museum de Seattle (2023-2024), l’artiste entremêle l’histoire de l’exploitation des ressources sur Terre et des déchets matériels qu’elle génère avec celle de la colonisation imminente de l’espace. Citons par exemple Future Geography (depuis 2021), une série faite de boîtes de livraison Amazon dépliées, découpées en bandes et entretissées, sur lesquelles sont présentées des images de la Lune, de Mars, d’étoiles et de galaxies produites par la NASA. Ce processus de construction laborieux entremêle de manière assez littérale le capitalisme sur Terre et la commercialisation de l’espace, traduisant la soif inassouvissable d’extraction dans des tapisseries scintillantes, vibrant au rythme géométrique et énergétique du néoconcrétisme brésilien et convoquant la force de séduction d’un objet flambant neuf.
Ailleurs, la présence de déchets fossilisés et de moulages tridimensionnels d’objets conjure les traces fantomatiques laissées par les objets de consommation après usage, que cela soit le moulage en silicone d’un érable sycomore en décomposition dans Death by Heat Wave (Acer pseudoplatanus, Mulhouse Forest) (2021) ou le moulage en latex, semblable à de la peau, du modèle de voiture Volkswagen Brasília dans Transplanted (VW Brasília) (2012). L’artiste observe les effets de l’industrialisation depuis ses premières œuvres centrées sur la région de l’Amazonie. Dans l’installation vidéo Streamlined: Belterra, Amazônia / Alberta, Michigan (2013), par exemple, elle présente conjointement des séquences filmées dans deux villes presque identiques créées par la Ford Motor Company en Amazonie, au Brésil, et à Alberta, dans le Michigan, pour produire un portrait désorientant de la production mondialisée.
Un autre point d’attention important dans l’œuvre de C. Tossin est la cooptation de l’iconographie précolombienne visible dans l’architecture de style néomaya des années 1920, que l’on rencontre partout dans Los Angeles. La vidéo monocanal Chu’u Mayaa (2017) met au premier plan la symbologie autochtone employée dans la Hollyhock House, créée par Frank Lloyd Wright, à travers une performance dansée de Crystal Sepúlveda, dont les mouvements empruntent à des gestes et à des postures que l’on retrouve dans des céramiques maya antiques. Le film que C. Tossin réalise à la suite de cela, Mojo’q che b’ixan ri ixkanulab’ / Antes de que los volcanes canten / Before the Volcanoes Sing (2022), présenté à la Whitney Biennial de 2024, à New York, est centré sur deux autres monuments du « Mayan Revival » angelin, la maison Sowden et le Mayan Theater. C. Tossin et les personnes qui collaborent avec elle utilisent la poésie, la parole, la musique et l’écriture de glyphes pour mettre en œuvre une sorte de rituel de guérison qui redonne à ces deux espaces une signification les inscrivant dans une lignée maya. La capacité de C. Tossin à voir dans des moments de dépossession des opportunités pour jouer et introduire du doute est encore plus frappante dans l’ambiance sonore du film. Des sons étrangers, produits à l’aide de répliques imprimées en 3D d’instruments à vent mayas conservés au sein de collections muséales précolombiennes, arrivent jusqu’à nos oreilles, nous offrant non pas une reconstruction authentique du passé, mais une invitation ouverte à interroger les manières dont l’histoire est écrite et codifiée.
Une notice réalisée dans le cadre du programme +1.
© Archives of Women Artists, Research and Exhibitions, 2024