Rivière Anne (dir.), « Claude Vignon », Dictionnaire des sculptrices en France, Paris, Mare & Martin, 2017, p. 524-525.
→Harvey David Allen, « Forgotten Feminist : Claude Vignon (1828-1888), revolutionary and femme de lettres », Women’s History Review, Volume 13, Numéro 4, 2004, p. 559-583.
→Stéphanie Deschamps, « Noémie Constant dite Claude Vignon (1828-1888) : « l’ébauchoir du sculpteur et la plume du romancier » (Zola) », Bulletin de la Société de l’histoire de l’art français, 2003, p. 303-328.
→Brogniez Laurence, « Claude Vignon, une femme ‘surexposée’ sous le Second Empire », dans David Baguley (dir.), Les Arts et la Littérature sous le Second Empire, University of Durham, 2003, p. 149-165.
Exposition des Femmes célèbres du XIXe siècle, par Marguerite Durand, 1922
Sculptrice, écrivaine et critique française.
Née dans une famille aisée, Marie-Noémi Cadiot est placée en pensionnat à Choisy-le-Roi. Elle s’enfuit à dix-sept ans, en 1846, pour rejoindre et épouser un ancien séminariste, peintre et future figure de l’occultisme, Alphonse-Louis Constant (1810-1875), avec qui elle vit la révolution de 1848. Ils fondent ensemble un journal, Le Tribun du peuple, et une association, le Club de la Montagne. M.-N. Cadiot participe activement aux mouvements féministes, notamment au sein du Club de la Voix des Femmes, des Vésuviennes et du Banquet régénérateur des femmes démocrates et socialistes. Selon la tradition saint-simonienne, elle signe ses articles pour La Voix des femmes de ses prénoms, affirmant ainsi son indépendance. Elle écrit également pour Le Tintamarre et Le Moniteur du soir sous le pseudonyme de Claude Vignon, inspiré par un personnage balzacien.
En 1849, elle devient l’élève du sculpteur James Pradier (1790-1852). Elle débute au Salon en 1852 sous le nom de Mme Noémi Constant avec l’esquisse en plâtre de L’Enfance de Bacchus, commande du ministère de l’Intérieur dont elle présente le marbre, Bacchus enfant, en 1853. Après avoir obtenu l’annulation de son mariage en 1865, elle a le droit, à partir de 1866, grâce à un décret de l’empereur, de porter son pseudonyme comme nom. Elle expose jusqu’en 1885 des œuvres en ronde-bosse et bas-relief inspirées par la mythologie, la Grèce et l’Italie (Dans les prés d’Arcadie ou Idylle, groupe de marbre à l’Exposition universelle en 1855 et au Salon en 1857 ; Daphné, présentée à l’Exposition universelle de 1867) ainsi que des portraits (Pierre Gavarni et Portrait de M. Lefuel membre de l’Institut, architecte de l’Empereur de 1857 ; Portrait de M. le baron Haussmann, de 1870 ; Monsieur Thiers, premier président de la République française, de 1879). Commandé par l’État en 1876 et présenté à l’Exposition universelle de 1878, Le Pêcheur à l’épervier est un des grands succès de sa carrière. Cette ronde-bosse en marbre s’inscrit dans la lignée du Jeune pêcheur napolitain jouant avec une tortue (1833) de François Rude (1784-1855) et du Pêcheur à la coquille (1858) de Jean-Baptiste Carpeaux (1827-1875). C. Vignon participe également au salon de l’Union des femmes peintres et sculpteurs en 1882, 1885 et 1886.
Proche d’Hector Lefuel, architecte en chef du Louvre, elle reçoit des commandes pour des décors au Louvre (plusieurs bas-reliefs représentant les génies des lettres pour l’escalier de la bibliothèque dit escalier Lefuel, Le Printemps pour l’aile Henri IV et L’Automne pour l’aile Henri II), aux Tuileries (médaillon ovale dans l’escalier de l’Impératrice représentant trois génies portant les emblèmes de l’Empire) et à l’hôtel du Ministre d’État (dessus-de-porte La Danse, La Musique et La Causerie). Soutenue par l’impératrice Eugénie, elle touche une pension annuelle à partir de 1862. Elle réalise le bas-relief central, posé en 1863, de la fontaine Saint-Michel, à Paris.
En parallèle de ses activités de sculptrice, C. Vignon est critique d’art dès 1851. Elle valorise la sculpture – « La statuaire est la plus haute et la plus incorruptible manifestation de l’art » (Salon de 1853) –, l’éclectisme – elle se dit « classique par devoir et éclectique par tempérament » (Salon de 1852) – et la dépolitisation de l’art. En 1866, Pierre Puvis de Chavannes (1824-1898), dont elle apprécie l’idéalisme, réalise quatre toiles pour son hôtel particulier de Passy : La Vigilance, La Fantaisie, L’Histoire et Le Recueillement. C. Vignon est aussi correspondante parlementaire pour L’Indépendance belge, journal libéral contournant la censure. En charge du « courrier de la Chambre », elle est la première femme journaliste à y accéder. Ses articles, comptes rendus et feuilletons paraissent également dans de nombreux journaux dont Le Moniteur universel (sous le pseudonyme d’Henri Morel). En 1872, elle épouse Maurice Rouvier, journaliste et homme politique de gauche, futur ministre et président du Conseil sous la Troisième République. Écrivaine, elle publie plusieurs romans et nouvelles, souvent centrés sur des personnages féminins (dont Élisabeth Verdier en 1875, Révoltée ! en 1878 et Une étrangère en 1886).
C. Vignon décède en 1888. Sa sépulture au Père-Lachaise présentait son autoportrait en bronze, aujourd’hui disparu, et ses attributs : une plume d’oie, un marteau et un ciseau de sculptrice. En 1890, M. Rouvier offre à la ville de Saint-Jean-Cap-Ferrat un monument en l’honneur de sa femme, copie en bronze du Pêcheur à l’épervier. En 1891, Jules Simon écrit dans la préface de l’ouvrage regroupant une partie de ses textes : « Elle était à la fois écrivain et statuaire, ce qui lui constituait une originalité. Je ne sais pas si cette double vocation ne lui portait pas préjudice. […] Nous avons tant de peine à rencontrer une supériorité qu’il doit être, en vérité, bien difficile de nous en imposer deux » (« Claude Vignon », Œuvres de Claude Vignon, Paris, Alphonse Lemerre, 1891, p. I-II). Marguerite Durand la compte parmi les « femmes célèbres du XIXe siècle » dans l’exposition qu’elle organise à Paris en 1922. Sa carrière de critique et de journaliste est la plus étudiée. Depuis le début des années 2000, les recherches de Stéphanie Deschamps-Tan ont mis en avant sa pratique artistique.
Publication réalisée en partenariat avec le musée d’Orsay.
© Archives of Women Artists, Research and Exhibitions