Constance Stuart Larrabee, South Africa, 1936-1949, cat. exp., Washington, Smithsonian Institution, septembre 1998 – février 1999, Washington, Smithsonian Institution Press
→Marek Bartelik, « Constance Stuart Larrabee », Artforum International, vol. 34, 1996
→Constance Stuart Larrabee : Tribal Photographs, cat. exp., Washington, Corcoran Gallery of Art, avril – juin 1984
Constance Stuart Larrabee : WW II Photo Journal, National Museum of Women in the Arts, 1989
Photographe britannique-sud-africaine.
Constance Stuart Larrabee arrive en Afrique du Sud avec sa mère peu de temps après sa naissance à Camborne, une ville minière des Cornouailles, et grandit à Pretoria, la capitale administrative du pays. Elle s’intéresse très tôt à la photographie, car son grand-père maternel, William John Bennetts, tient un studio de photographie à Camborne. Elle quitte le pays en 1933 pour faire ses études à Londres et à Munich, où elle s’inscrit à l’Institut bavarois pour la photographie. Elle s’y familiarise avec la photographie moderne, les appareils bi-objectif et l’esthétique du noir et blanc. De retour à Pretoria en 1936, elle fonde le Constance Stuart Portrait Studio. Le style moderne de ses portraits attire des modèles célèbres, en particulier des personnalités politiques, des artistes et des écrivain·e·s.
En plus de son travail en studio, C. Stuart Larrabee photographie des Sud-Africain·e·s de tous milieux dans leur environnement quotidien. Elle utilise un Rolleiflex et développe son propre style en se servant d’angles de prise de vue variés et en se focalisant sur des détails spécifiques, ou encore en expérimentant avec la lumière, les textures et les formes. Sa passion pour les aspects visuels des cultures africaines la pousse à rendre visite aux communautés ndebele installées près de Pretoria, connues pour leurs tenues traditionnelles colorées, leurs habitations peintes et les performances qu’elles mettent en scène pour les touristes. Les femmes et les enfants, qui sont ses sujets favoris, apprennent à poser pour elle au cours de longues séances.
C. Stuart Larrabee voit sa réputation croître : plusieurs petites expositions lui valent une notoriété grandissante, notamment en 1944 The Malay Quarter, où elle présente une série de photographies prises en 1942-1943 dans le quartier malais du Cap (aujourd’hui nommé Bo-Kaap). L’extravagant dramaturge et acteur britannique Noël Coward se produit pour l’ouverture de cette exposition. Vers la fin de la Seconde Guerre mondiale, le directeur des services de renseignements militaires sud-africains fait de C. Stuart Larrabee la première femme correspondante de guerre et la charge de couvrir le conflit pour la revue illustrée Libertas. De juillet 1944 à mars 1945, elle se rend avec la 6edivision sud-africaine et la 7e armée américaine en Italie. Elle rencontre également des membres de la résistance française et italienne et des soldats français et britanniques. En tant que femme, elle n’est pas autorisée à assister aux combats : elle photographie donc principalement l’après-coup et le bilan humain de la guerre pendant la libération en Europe, qu’il s’agisse des forces mussoliniennes en Italie ou de l’occupation hitlérienne en France.
De retour en Afrique du Sud, C. Stuart Larrabee ouvre un second studio à Johannesburg, entreprise exceptionnelle pour une femme célibataire au sein d’une profession dominée par les hommes. Dès qu’elle en a la possibilité, elle continue également à photographier la vie des tribus noires africaines, avec l’objectif de conserver une trace visuelle de leurs cultures. Elle rend visite aux tribus xhosa, zouloues, swazi et lobedu dans les homelands, ces régions rurales où le gouvernement blanc les a obligées à se relocaliser.
Les photographies que C. Stuart Larrabee prend à Johannesburg et dans sa région nous apportent aujourd’hui un témoignage inestimable sur les conditions abominables dans lesquelles vivaient les travailleur·euse·s africain·e·s ou coloured à cause de la marginalisation économique et de l’exploitation qu’ils subissaient pendant la période de ségrégation raciale et, à partir de 1948, sous l’apartheid. Elle se rend dans les townships du Sud-Ouest, en bordure de ville (rebaptisés Soweto dès le début des années 1960) et photographie à Pimville et à Orlando la vie des migrant·e·s non blanc·he·s venu·e·s des régions rurales, entassé·e·s dans des baraquements et logements insalubres construits par le gouvernement. Elle montre aussi le sort des Sud-Africain·e·s blanc·he·s pauvres et la vie des Afrikaners ruraux·ales issu·e·s des colonies néerlandaise et huguenote.
C. Stuart Larrabee voit dans l’explosion des revues illustrées aux États-Unis une occasion de diffuser ses photographies. Elle est engagée en 1948 par Black Star, une agence d’images à New York. Grâce à celle-ci, elle publie quelques clichés dans Harper’s Bazaar, Life et Vogue. Elle arrive à New York en mai 1949, pour un séjour de trois mois organisé par l’agence afin qu’elle se familiarise avec ses collègues des États-Unis et qu’elle fasse connaître son travail. Lors de ce séjour, elle renoue avec un ancien ami, le colonel Sterling Loop Larrabee (1889-1974), qu’elle a rencontré lorsqu’il était attaché militaire à Pretoria. Elle l’épouse et s’établit aux États-Unis.
C. Stuart Larrabee et son mari mènent une vie tranquille dans leur propriété de Chesapeake Bay dans le Maryland. Elle montre quelques clichés sud-africains dans des expositions aux États-Unis, dont deux à la révolutionnaire présentation organisée par Edward Steichen au Museum of Modern Art de New York en 1955, The Family of Man. Elle se lance également dans plusieurs projets documentaires, comme l’exploration photographique de l’historique Tangier Island, située dans la partie virginienne de Chesapeake Bay, et de ses habitant·e·s, en 1951. Les années passant, elle se consacre de moins en moins à son activité de photographe professionnelle, préférant désormais s’intéresser à l’environnement, à l’architecture et aux travailleur·euse·s du Maryland, ainsi qu’au Washington College de Chestertown, auquel elle fait de généreux dons.
Au début des années 1970, le travail de C. Stuart Larrabee bénéficie d’un regain d’intérêt, avec une série d’expositions et de publications en Afrique du Sud et aux États-Unis. Elle apprécie cette reconnaissance renouvelée, mais ne répondra jamais vraiment à la question que les commissaires d’exposition et les universitaires lui posent dans de nombreuses interviews, à savoir si elle était ouvertement opposée au cruel régime ségrégationniste et à la politique de l’apartheid qu’elle montre dans son œuvre photographique. Elle se gardera de tout commentaire politique jusqu’à la fin de sa vie, en maintenant que sa pratique n’était qu’une expression de sa personnalité, de sa passion pour la photographie et de son excellent œil.