Djamila Flici Guendil, Féminin pictural. À la rencontre de onze artistes algériennes, Alger, Casbah Éditions, 2012, p. 63-71.
→Élisabeth Cazenave, Les Artistes de l’Algérie, 1830-1962, Éditions de l’Onde/Association Abd-el-Tif, 2010, p. 156.
→Mansour Abrous, Les Artistes algériens, 1917-1999, Alger, Casbah Éditions, 2002, p. 50.
Exposition collective, Memory Sews Together Events that Hadn’t Previously Met, accrochage des nouvelles acquisitions, Barjeel Art Foundation, Sharjah, 2021-2023.
→Exposition collective, Équinoxe féminin, musée des Beaux-Arts, Alger, mars-avril 2013.
Peintre algérienne.
Djamila Bent Mohamed naît en 1933 dans la Casbah d’Alger, où elle grandit avec son frère et sa sœur aînés. Son père décède alors qu’elle est enfant. Sa mère enseigne l’art du tapis dans une école d’artisanat. D. Bent Mohamed étudie au collège Gambetta, dans le centre-ville d’Alger. Dès son adolescence, son oncle paternel, tuteur légal, lui impose le port du voile. Mais la jeune fille refuse et résiste dans un mutisme révolté : « Depuis, ma vie a été une lutte de tous les jours, un éternel combat », confie-t-elle dans un entretien avec l’autrice Djamila Flici Guendil. Elle poursuit ses études au cours complémentaire français, puis développe un penchant pour l’artisanat local et la broderie traditionnelle. Elle décide alors d’entrer à l’École des beaux-arts d’Alger pour suivre le cours du miniaturiste et enlumineur Mustapha Ben Debbagh (1906-2006).
Dès le début des années 1950, D. Bent Mohamed s’engage corps et âme dans la lutte pour l’indépendance de l’Algérie. En 1953, elle intègre un groupe de combattantes indépendantistes, l’Association des femmes musulmanes algériennes (AFMA). Dès le début du conflit, en 1954, elle interrompt ses études d’art et milite au sein du Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD) aux côtés du leader nationaliste Messali Hadj. En 1957, le frère de l’artiste, Mohamed, est arrêté par les autorités françaises. À sa suite, D. Bent Mohamed est emprisonnée et torturée, avant d’être libérée grâce au labeur d’un collectif de cinq avocat·e·s dont fait partie la féministe franco-tunisienne Gisèle Halimi. À sa libération, la jeune artiste fait la connaissance d’intellectuel·le·s européen·ne·s, dont les Français Jean-Jacques Servan-Schreiber et Maurice Clavel, qui s’inspire d’elle pour son roman-essai Le Jardin de Djemila (1958).
À la réouverture de l’École des beaux-arts d’Alger après l’accession à l’indépendance en 1962, D. Bent Mohamed reprend son cycle d’études interrompu par la guerre. Ses professeurs sont Choukri Mesli (1931-2017), M’hamed Issiakhem (1928-1985), Mohammed Khadda (1930-1991) et, de nouveau, M. Ben Debbagh, auprès duquel elle continue de travailler la décoration néo-mauresque, dont sa peinture est marquée. Elle s’intéresse également au design tout en commençant à voyager à l’étranger. Entre 1969 et 1971, elle poursuit des études de dessin industriel à l’académie Rietveld d’Amsterdam, puis d’esthétique industrielle à l’École supérieure des arts et métiers de Paris. De retour en Algérie, elle enseigne à l’École régionale des beaux-arts d’Oran. Entre 1971 et 1974, D. Bent Mohamed est cheffe de service et designeuse à la Société nationale pour la recherche, la production, le transport, la transformation et la commercialisation des hydrocarbures (Sonatrach) et, entre 1975 et 1976, à la Société nationale des industries chimiques (SNIC), puis designeuse cheffe de projet, décoratrice et aménagiste à la Société nationale d’électricité et de gaz (Sonelgaz) de 1979 à 1988. L’artiste est, entre 1975 et 1983, lauréate à trois reprises du grand prix de la peinture de la Ville d’Alger et reçoit le diplôme d’honneur en 1987. Plusieurs de ses œuvres font partie des collections du musée national des Beaux-Arts d’Alger, du musée du Bardo d’Alger et de la Barjeel Art Foundation.
Symboliste, le travail de D. Bent Mohamed évoque dans une semi-abstraction le rêve, les liens entre le visible et l’invisible, et un idéal mystique porté par des œuvres sombres s’inspirant des mythes et légendes nord-africains. Au cœur de ses créations se mêlent l’art de la calligraphie arabe et la figuration de personnages énigmatiques, dont les formes sont parfois proches des courants artistiques occidentaux. L’artiste utilise ponctuellement le sable et la feuille d’or.
D. Bent Mohamed arrête de peindre autour de la fin des années 1980 – début des années 1990 à la suite du suicide de son amie Rabhi Zohra, dite Safia Ketou, poétesse algérienne : une période de deuil qui se superpose à la paralysie des activités culturelles que subit l’Algérie lors de la décennie noire.
Une notice réalisée dans le cadre du projet Tracer une décennie : artistes femmes des années 1960 en Afrique, en collaboration avec la Njabala Foundation
© Archives of Women Artists, Research and Exhibitions, 2023