Schaal Katia, La médaille de sculpteur, essor d’un genre à l’époque de la “médaillomanie” (1880-1920), doctorat sous la direction de Claire Barbillon et d’Inès Villela-Petit, Poitiers-Paris, université de Poitiers/École du Louvre, en cours.
→Pierre Chamlain, « Geneviève Granger, peintre, sculpteur et graveur d’ex-libris », L’Ex-Libris, 1929, n° 5, p. 129-146.
→Benjamin Bord, « Chez Mlle Geneviève Granger, médailliste et sculpteur », Le Limousin : bulletin trimestriel du Groupe d’études limousines à Paris, octobre 1907, p. 206-211.
Médailleuse, sculptrice, graveuse d’ex-libris et céramiste française.
Geneviève Granger quitte sa Corrèze natale avec sa famille, à la suite d’un incendie qui a ravagé sa maison, pour s’installer à Paris. Dès ses dix ans, elle manifeste un goût pour les arts que ses parents pensent éphémère. Ils lui font prendre quelques cours particuliers, mais, devant les dispositions qu’elle développe pour le dessin et le modelage, son père, qui destine sa fille à un beau mariage, se rend bien compte qu’il ne peut empêcher ses ambitions artistiques. À tort, certaines sources mentionnent qu’elle a été l’élève des sculpteurs Jean Boutellier (1851-1916), Jules Mabille (1843-1897) et Antide Marie Péchiné (1855-1929) ou encore du médailleur Hubert Ponscarme (1827-1903) à l’École des beaux-arts, alors qu’à cette époque les femmes n’y étaient pas admises. En réalité, G. Granger se forme dans l’atelier du sculpteur André Massoulle (1851-1901) et du graveur en médailles Henri Dubois (1859-1943). Elle débute au Salon des artistes français en 1895 en envoyant un buste qui représente sa mère. Il ouvre une liste vertigineuse d’œuvres qu’elle adresse dans les sections sculpture et gravure en médailles jusqu’en 1958. Cette fidélité est marquée par l’obtention d’une mention honorable en 1899 et d’une médaille de troisième classe en 1901.
Très active au sein du milieu artistique, G. Granger agit sur de multiples fronts. Secrétaire de la Société des artistes français en 1899, elle fait partie des membres fondateurs·rices du Salon d’automne en 1903. Elle contribue aussi à la promotion des femmes artistes. Dès 1902, elle donne des cours de dessin, de peinture, de sculpture et surtout de gravure en médailles et accueille, entre autres, dans son atelier du 37, puis du 22, rue Denfert-Rochereau à Paris, Mabel Mason (dates inconnues) et Eleanor-Antoinette Sneden (1876-?), dont elle réalise les portraits, ainsi qu’Ernesta Robert-Mérignac (1858-1933). Elle fonde deux sociétés féministes : les Quelques, un groupement d’artistes femmes qui organise à Paris des expositions, comme celle de l’hiver 1910 à laquelle elle participe ; et les Unes internationales, dont elle est vice-présidente en 1906 et présidente en 1908. En outre, elle participe à la quinzième exposition de la Société des femmes artistes, qui se tient en 1907 à la galerie Georges Petit. En 1910, une rétrospective de son œuvre est organisée par le Lyceum, encore un autre club féminin de Paris, où elle dévoile pour la première fois une série d’études rapportée d’un séjour à Volendam, aux Pays-Bas. Sur le port de ce village de pêcheurs, elle croque les figures locales qui confèrent une couleur pittoresque à cet ensemble de plaquettes. En 1913, elle présente une autre fameuse série à la galerie Reitlinger, à Paris. L’accueil des Silhouettes parisiennes est tel que les célébrités les plus à la pointe de la mode de l’époque cherchent à reproduire le chic de « Donilo », pseudonyme dont G. Granger fait parfois usage. À côté de ces succès parisiens, il faut mentionner ses participations aux expositions internationales de Londres en 1903, de Saint-Louis, aux États-Unis, en 1904, de Bâle en 1906, de Stuttgart en 1907, de Bruxelles et de New York en 1910, de Rome en 1911, de Gand en 1913, de Leipzig en 1914, etc. Durant la Première Guerre mondiale, elle ne cesse de produire, si bien qu’en 1921 la galerie Georges Petit est en capacité de proposer une exposition d’œuvres inédites.
À quarante ans passés, G. Granger n’a donc plus rien à prouver, mais elle continue à ravir les distinctions : en 1925, un diplôme d’honneur à l’Exposition internationale des arts décoratifs de Paris, une Légion d’honneur en 1932 et une médaille d’argent à l’Exposition universelle de 1937. C’est également dans les années 1920-1930 que sa production évolue en délaissant la médaille pour s’orienter vers le bronze d’édition et la céramique. Elle est à ce titre l’autrice de plus d’une centaine de modèles édités par les maisons Barbedienne (statuette de Salomé modèle daté de 1914), Siot-Decauville (Méditation, vers 1922), Etling et Lehmann (objets d’art en porcelaine). Elle renoue avec la médaille à la fin des années 1940 autour d’une série de portraits d’écrivains (Alphonse Daudet, 1947 ; Chateaubriand, 1948 ; José-Maria de Heredia, 1959) et de maréchaux de la Grande Guerre (Foch, 1951-1952 ; Fayolle, 1952-1953) que la Monnaie de Paris lui commande. Enfin, à la suite de son mariage en 1921 avec Pierre Chanlaine (1885-1969), de son vrai nom Pierre Wunstel, journaliste, romancier et président de l’Association des écrivains combattants, elle s’engage dans la renaissance des ex-libris, que ce dernier promeut dans une revue qu’il crée pour l’occasion (L’Ex-libris. Revue internationale, 1930-1934).
Après le décès de G. Granger, P. Chanlaine tient à valoriser l’œuvre de son épouse et donne quelques plâtres originaux à la Monnaie de Paris. D’autres œuvres inédites sont conservées au musée Labenche de Brive-la-Gaillarde. En juin 1910, G. Granger leur offre généreusement neuf médailles et plaquettes en plâtre, dont la moitié témoigne d’une production privée avec la présence des portraits de son père, de sa mère et le sien, tandis qu’une seconde partie émane de son séjour à Volendam. L’ensemble que conserve le musée d’Orsay, composé d’une vingtaine de médailles, inclut quelques compositions décoratives, notamment Le Goûter, que la Société des amis de la médaille française édite à cent quarante-sept exemplaires en 1908.
Publication réalisée en partenariat avec le musée d’Orsay.
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