Regnier Isabelle, « La designer Gunta Stölzl, restée dans l’ombre du Bauhaus », Le Monde, 14 août 2019.
→Stadler Monika, Aloni Yael, Gunta Stölzl: Bauhaus Master, Ostfildern-Ruit, Hatje Cantz, 2009
→Radewaldt Ingrid, Stadler Monika, Thöner Wolfgang, Gunta Stölzl : Meisterin am Bauhaus Dessau, Textilien, Textilentwürfe und freie Arbeiten 1915-1983 [Gunta Stölzl : Maître du Bauhaus de Dessau, textiles, dessins textiles et travail libre, 1915-1983], Ostfildern-Ruit, Hatje Cantz, 1997
Gunta Stölzl, Anni Albers, The Museum of Modern Art, New York, 15 février – 10 juillet, 1990
→Droste Magdalena, Ellwangeer Marion, Gunta Stölzl, Weberei am Bauhaus und aus eigener Werkstatt [Tissage au Bauhaus et depuis notre propre atelier], Archives du Bauhaus Berlin, 4 février – 26 avril, 1987 ; Kunstgewerbemuseum, Zürich, 3 juin – 26 juillet 1987 ; Gerhard-Marcks-Stiftung, Brême, 16 août – 27 septembre 1987
Artiste textile et designer allemande.
Gunta Stölzl est l’une des figures les plus emblématiques du Bauhaus. Seule femme à occuper officiellement le poste de jeune maître à la tête d’un atelier – celui de tissage – et l’une des rares à avoir œuvré au Bauhaus pendant presque la totalité de son existence, elle laisse une empreinte importante dans l’histoire de l’école.
Après une formation à l’École des arts et métiers de Munich, elle se porte volontaire pour la Croix-Rouge en 1917. Cette expérience lui apportera une nouvelle vision du monde. À la fin de la guerre, elle retourne à l’école à Munich avant de s’en détourner pour rejoindre le Bauhaus à Weimar, à l’automne 1919. En suivant l’exemple de plusieurs écoles d’art de l’époque, et par conviction personnelle, G. Stölzl propose en 1920 d’y créer une classe de femmes. Walter Gropius accepte, mais ses raisons sont autres : cela correspond parfaitement à sa volonté de limiter l’accès des femmes à tous les ateliers. Cette nouvelle classe fusionne avec l’atelier de tissage et G. Stölzl en devient la figure centrale : elle peut pratiquer et transmettre aux autres sa maîtrise de la matière. Elle adapte les théories des couleurs et de l’harmonie au textile. Chez G. Stölzl, connue pour ses motifs tissés souvent très complexes, les défis techniques rencontrent la recherche d’équilibre entre les formes et les matériaux.
Avec l’appui soutenu des élèves de l’atelier de tissage, G. Stölzl est nommée maître d’atelier [Werkmeister] en 1926 et sera officiellement l’année suivante la seule femme à la direction d’un atelier au Bauhaus. Avec le déménagement de l’école à Dessau, le rôle de G. Stölzl gagne en importance, car elle incarne la force derrière l’innovation du métier du textile. Elle est en charge de la modernisation technique du travail, surtout en ce qui concerne l’adaptation des tissus aux nouveaux besoins : plus résistants, moins sensibles à la lumière, mieux adaptés aux usages modernes.
Le chef-d’œuvre Fünf Chöre date de cette époque. Comme le décrypte l’historienne de l’art textile T’ai Smith, le titre est un jeu de mots qui fait référence à la fois à la musique (Chöre signifiant à la fois chœurs et accords) et au métier à tisser Jacquard qui fonctionne d’après un système de cordes. L’harmonie musicale, la symétrie parfaite des formes et la maîtrise technique du métier sont ainsi réunies.
En 1931, G. Stölzl quitte le Bauhaus à la suite d’une intrigue au sein de l’atelier de tissage. En douze ans, elle en aura construit l’un des ateliers les plus importants. Elle laisse une trace majeure dans l’histoire de l’abstraction textile.
Publication en partenariat avec le Centre Pompidou, dans le cadre de l’exposition Elles font l’abstraction présentée au Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, Galerie 1, Paris, du 5 mai au 23 août 2021, sous le commissariat de Christine Macel et de Karolina Ziebinska-Lewandowska (pour la photographie), assistées de Laure Chauvelot. Notice tirée du catalogue de l’exposition publié par les éditions du Centre Pompidou ©Éditions du Centre Pompidou, 2021