Mayor Gallery (dir.), Artist Cut: Jann Haworth, cat. expo., Mayor Gallery, Londres (8 juin – 28 juillet 2006) Londres, Mayor Gallery, 2006
→Angela Stief (dir.), Power up : female pop art, cat. expo., Dumont / Kunsthalle, Vienne (5 novembre 2010 – 20 février 2011), Vienne, Kunsthalle, 2010
Young Contemporaries, Londres, Institute of Contemporary Art, 1963.
→The Obsessive Image, Londres, Institute of Contemporary Art, 10 avril – 29 mai 1968.
→Jann Haworth: Artist’s Cut, Londres, James Mayor Gallery, 8 juin – 28 juillet 2006.
Plasticienne états-unienne.
Née en 1942, Jann Haworth gagne Londres en 1961 pour étudier à la Slade School of Fine Art. Elle découvre que l’école d’art est marquée par le sexisme, ce qui la conduit à ne plus penser tant à son genre qu’à la « guerre des genres ». Ce sont les expériences d’une jeunesse passée à Hollywood dans la proximité d’un père producteur de cinéma qui, favorisant son goût pour les faux-semblants et la maîtrise des codes de la société des apparences, lui donnent les armes adéquates à une recherche vouée à la conciliation des temps des luttes sociale et artistique.
Entre 1963 et 1965, elle produit de nombreuses œuvres en trois dimensions, telles que Cheerleader (Pom-Pom Girl), Cowboy et les Charm Bracelets, que caractérise une matérialité déceptive où sont mises à mal les normes du corps féminin. Pour celle qui, avec Patty Mucha et Yayoi Kusama, est une pionnière de la sculpture molle dans les années 1960, l’appropriation des signes de la culture de masse américaine et la création de répliques en volume de corps humains, devenus de géantes poupées de chiffon, et d’objets sont un geste de transformation et de déformation, qui prend le désir masculin à revers. Le corps cousu permet à J. Haworth de se démarquer des représentations dominantes de la femme, notamment celles que livrent les artistes pop, situant ainsi la guerre des genres à l’échelle du pop art. En tant qu’espace de réalisation séparé matériellement des prérogatives masculines pop qui s’ancrent surtout dans la peinture, la couture lui permet d’affirmer son statut de créatrice, contre celui de muse ou de femme d’artiste. Elle devient un médium grâce auquel J. Haworth négocie ses identités contraires d’artiste femme, qui tente de s’affranchir du rôle social que lui assignent les médias, et de femme d’artiste – son conjoint est l’artiste Peter Blake.
Après 1963 et l’exposition Young Contemporaries, aux RBA Galleries (Londres), elle est représentée dans la galerie de Robert Fraser. L’ampleur de leur collaboration, qui au fil des années 1960 donne lieu à différentes expositions individuelles et collectives, dont The Obsessive Image à l’Institute of Contemporary Arts de Londres (1968), culmine quand Fraser lui passe commande, ainsi qu’à Blake, de la pochette de l’album des Beatles Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band (1967). Sa participation réside dans le travail sculptural des figures en volume qui entourent celles des quatre musiciens. La mémoire visuelle des traditions populaires britanniques, dans le droit-fil des œuvres de Blake, témoigne d’un traitement nostalgique de l’identité anglaise, que relativise l’intervention de J. Haworth. Il revient en effet au savoir contre-culturel de cette dernière, que matérialise l’insertion dans la foule de figures californiennes, comme Wallace Berman et Simon Rodia, d’avoir donné à l’illustration un plus grand degré de conformité avec la recherche musicale des Beatles, qui opèrent alors un passage du pop vers le psychédélisme. J. Haworth joue ainsi un rôle déterminant dans les processus de construction de la nouvelle identité du groupe, d’une part, et de légitimation des Beatles en tant que musiciens psychédéliques, d’autre part.
Après avoir travaillé avec un autre groupe, les Who, et sa séparation avec Peter Blake, en 1979, J. Haworth perd son galeriste anglais et déménage aux États-Unis où elle se consacre à l’enseignement. Proportionnellement à sa contribution à l’immense popularité de la pochette de l’album, son rôle dans l’histoire de l’art a longtemps été occulté. Elle n’en reste pas moins l’une des artistes majeures du pop art.
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