Kerr, Sunny (dir.), Drift: Art & Dark Matter, K-Verlag, Berlin, 2023
→Juler, Edward et Robinson, Alistair (dir.), Post-Specimen Encounters Between Art, Science and Curating, Bristol, Intellect Books, 2020
→Seyfarth, Ludwig (dir.), Pictures of Nothing, Kerber Verlag, Bielefeld, Kerber Verlag, 2014
Artiste pluridisciplinaire franco-allemande.
Nadia Lichtig est née en Allemagne dans une famille tchécoslovaque et yougoslave, deux pays qui n’existent plus aujourd’hui. De ce commencement émane une vision du monde peuplée de réminiscences de langues, d’absences, d’héritages oubliés et de réinterprétations. Diplômée en 2001 de l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris, elle développe une œuvre en mouvement, aux formes multiples, se déclinant à la fois de manière visuelle, vocale et musicale. Sa pratique de la musique se développe en parallèle de ses études, au sein du groupe EchoparK, du projet Falseparklocation, et en solo sous différents pseudonymes comme Nanana ou Ghosttrap. Qu’il s’agisse de peintures, d’installations, de pièces sonores ou de paroles de chansons, l’artiste crée des espaces de résonance sensoriels, perceptibles et lisibles à différents niveaux.
Les peintures de la série Pictures of Nothing (2012-en cours), montrées entre autres à l’occasion de l’exposition Catching the Light au K10 à Düsseldorf en 2018, renvoient presque aux espaces baignés de lumière de William Turner (1775-1851) ou aux œuvres tardives de Claude Monet (1840-1926). Tous les objets y semblent dilués au point d’en devenir quasiment des « peintures de rien, du vide ». À la manière d’une notation graphique, l’artiste donne à voir des traits et des couches de traits méticuleusement disposés plutôt que des objets physiques. Cette œuvre est la transposition visuelle de paroles chantées, elles-mêmes extraites de lettres reçues par l’artiste et sa famille. L’espace de l’image n’est pas seulement visuel, s’y déclenchent aussi des résonances sonores.
La même considération vaut pour Mille temps (2012), une installation pérenne créée par l’artiste dans un lycée à Sérignan (Hérault). Même si la lumière du jour y fait apparaître de petits arcs-en-ciel mouvants et que, la nuit, la mesure de la vitesse du vent y provoque des apparitions lumineuses, il ne s’agit pas d’une conception visuelle classique de l’espace. L’œuvre semble plutôt vouloir donner une forme visible à un mode d’orientation dans l’espace proche de celui du radar. Les signaux émis scannent l’espace pour constamment former de nouvelles relations avec l’environnement. Le fait que ce que nous voyons procède aussi de qualités acoustiques et tactiles ne se laisse guère appréhender si l’on en reste à une conception conventionnelle de la matérialité. Ainsi, l’œuvre évoquerait plutôt des « états de la matière ».
La série Blank Spots (2017-en cours) se montre également sous plusieurs « états ». Elle a d’abord été présentée en tant que spectacle vivant à la Schwankhalle, à Brême, en 2019, avant que cette pièce, composée de frottages réalisés sur des lieux chargés d’histoire et des dessins-partitions qui en dérivent, devienne une sculpture sonore et lumineuse immersive. Cette installation a été montrée notamment lors du cycle d’expositions Drift : Art and Dark Matter au Canada entre 2020 et 2022, entre autres à la Belkin Art Gallery, à Vancouver, en 2022. Au sein de cette dernière et en collaboration avec la School of Music, le département de musique de la British Columbia University de Vancouver, Blank Spots s’est encore transformée, devenant le temps d’un après-midi une performance chorale pour six chanteurs, remplissant l’espace d’exposition d’une interprétation vocale éphémère.
Une notice réalisée dans le cadre du programme +1.
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