Gabriele Schlor (dir.), Renate Bertlmann: works 1969-2016: Ein subversives Politprogramm, Munich, Prestel, 2016
Renate Bertlmann: Amo Ergo Sum, Sammlung Verbung, Vienne, 2016
Plasticienne féministe autrichienne.
Depuis plus de cinquante ans, Renate Bertlmann consacre sa pratique artistique à l’esprit de rébellion. Son travail renvoie constamment au corps et s’axe principalement sur les parties intimes dans le but de leur donner une voix. R. Bertlmann étudie la peinture, la conservation et la technologie à l’Académie des beaux-arts de Vienne de 1964 à 1970. Dans la foulée, elle obtient un poste de maître de conférences dans ce même établissement, qu’elle occupe jusqu’en 1982. À la lecture de l’essai de Linda Nochlin « Why Have There Been No Great Women Artists? » (Pourquoi n’y a-t-il pas eu de grandes femmes artistes ?), l’artiste dit « s’être réveillée de son sommeil comme la Belle au bois dormant ». Elle se met à la recherche de consœurs et s’investit dans des groupes féministes tels que AUF–Aktion Unabhängiger Frauen [Groupe d’action des femmes indépendantes], IntAkt [Groupe d’action international des artistes femmes] et Women Against Pornography [Femmes contre la pornographie] à New York. Elle écrit aussi des pamphlets et fonde le collectif d’artistes femmes Marebagroup (1974) avec l’artiste australienne Barbara Strathdee et l’artiste triestine Emanuela Marassi, ainsi que le BC-Collective (1976) avec l’Autrichienne Linda Christanell. Elle présente également son travail à MAGNA. Feminismus: Kunst und Kreativität (MAGNA. Féminisme : art et créativité), la première exposition autrichienne d’artistes féministes organisée par VALIE EXPORT. En 1977, elle est invitée à un festival de performance à Bologne. Elle y interprète pour la première fois Deflorazione in 14 Stazioni [Défloration en 14 étapes] au Museo Comunale d’Arte Moderna. En 1978, R. Bertlmann présente sa performance Die Schwangere Braut im Rollstuhl (Mariée enceinte en fauteuil roulant) à la galerie Modern Art de Vienne, dans laquelle elle aborde les sujets de l’incommensurabilité de la maternité et du rôle de l’artiste femme. À l’occasion de l’inauguration de l’exposition Museum des Geldes [musée de l’Argent] à la Städtische Kunsthalle de Düsseldorf en 1978, elle présente sa performance Die Schwangere Braut mit dem Klingelbeutel [Mariée enceinte au sac à aumône]. L’année suivante, elle présente Let’s Dance Together à la galerie Modern Art de Vienne et à Stichting de Appel à Amsterdam. En 1980, Martha Wilson l’invite à l’espace d’art alternatif Franklin Furnace de New York, où elle interprète Sling Shot Action, qui se penche sur le thème du désir sexuel. En 1982, on lui propose de concevoir un panneau d’affichage pour la documenta 7 de Kassel. Elle adapte son œuvre Washing Day au format affiche en utilisant à la fois le dessin et de véritables « peaux » en latex.
En 1989, après deux décennies de travail acharné, R. Bertlmann décide de faire le bilan de son œuvre, qu’elle rassemble sous la maxime AMO ERGO SUM (J’aime, donc je suis). Elle répartit ensuite ses objets, installations, films, dessins et paroles de chansons en trois catégories : Pornographie, Ironie et Utopie. La catégorie Pornographie aborde la « guerre des sexes », ses « victimes » et ses « coupables », et comprend des objets phalliques comme Der Erstgeborene [Le Premier-né, 1980], 14-Linge (1980), ou Farphalle Impudische [Papillons impudiques, 1985]. Selon les mots de l’artiste : « “Ironie” aborde la nature transformative de la peau, dans la mesure où celle-ci constitue un véhicule de sensations ambivalentes, telles que la tendresse et la douleur, le chaud et le froid, le dégoût et le plaisir. L’ironie est à la fois une arme et un bouclier lorsque l’on se consacre à des sujets aussi intimes. » Les objets contestataires Messer-Schnuller-Hände [Mains-Couteaux-Tétines, 1981], Bru(s)tkasten [Incubateur de seins, 1981] et Streicheleinheiten [Caresses, 1982] font tous partie de cette catégorie. Le groupe Utopie ne traite pas de visions de l’avenir. Il se penche davantage sur l’inconnu, l’ascèse, le déni et les pratiques funéraires. Il comprend par exemple les œuvres Hier ruht meine Zärtlichkeit [Ci-git ma tendresse, 1976], et l’autel Wann werden uns die Theologen endlich etwas von Zärtlichkeit erzählen [Quand les théologiens nous parleront-ils enfin de tendresse, 1980].
En 2010, la collection SAMMLUNG VERBUND de Vienne présente un groupe d’œuvres de R. Bertlmann lors de l’exposition itinérante DONNA : Avanguardia femminista negli anni ’70, qui voyage à travers l’Europe et les États-Unis sous le titre The Feminist Avant-Garde of the 1970s, et s’arrête à Madrid, Bruxelles, Halmstad, Hambourg, Londres, Vienne, Karlsruhe, Stavanger, Brno et New York. Cette même collection SAMMLUNG VERBUND organise en 2016 une rétrospective de l’œuvre de R. Bertlmann à la Vertical Gallery de Vienne et publie à cette occasion une première monographie exhaustive de l’artiste en langue anglaise et allemande. R. Bertlmann a reçu le prix Theodor Körner pour les arts visuels et la photographie, le Vienna City Support Award et le Grand Prix d’État autrichien, la plus haute distinction décernée à un artiste pour ses réalisations exceptionnelles. R. Bertlmann est la troisième femme autrichienne à recevoir ce prix depuis sa création en 1950, après Maria Lessing et Brigitte Kowanz.