Toyoko Tokiwa, Watashi no naka no Yokohama densetsu 1954-56: Tokiwa Toyoko Shashinshū [La légende de Yokohama telle que je la vois – 1954-56 : Album de photos de Toyoko Tokiwa], Yokohama, Bureau de photographie de Toyoko Tokiwa, 2001
→Teruo Okai (éd.), Taikō Okumura et Toyoko Tokiwa, Yokohama saigen – Futari de utsushita haisen sutōrī sengo 50-nen [Reconstruction de Yokohama – Histoire de la défaite racontée par deux photographes – 50 ans depuis la guerre], Tokyo, Heibonsha, 1996
→Toyoko Tokiwa, Kiken na dokubana [Dangereuses Fleurs toxiques], Tokyo, Mikasa Shobo, 1957
Vivre à Yokohama après-guerre. Photographies de Taikō Okumura et Toyoko Tokiwa, musée de l’histoire de la ville de Yokohama, octobre-décembre 2018
→Photographies 1955-1965. Ensemble d’images indépendantes, musée préfectoral d’art de Yamaguchi, novembre-décembre 1991
→Femmes actives, Konishiroku Photo Gallery, Tokyo, avril 1956
Photographe japonaise.
Née à Yokohama, Toyoko Tokiwa est diplômée de l’Institut d’économie domestique de Tokyo en 1950 et commence à travailler comme présentatrice dans une agence de presse locale. Sa rencontre à cette époque avec le photographe Taikō Okumura (1914-1995) l’incite à s’intéresser à la photographie, et à apprendre les techniques auprès d’associations d’amateurs comme le Shirayuri Camera Club.
À ses débuts, T. Tokiwa commence par consigner la vie des habitants des alentours du port de Yokohama, mais très vite, dès 1953, elle s’aventure jusque dans les quartiers des plaisirs de Magane-chō ou d’Isezaki-chō. Autrefois plutôt huppé, Isezaki-chō est devenu après la guerre un quartier chaud qui attire les soldats américains de l’armée d’occupation, avec son lot de prostituées et d’hôtels bon marché. S’y côtoient des Japonais avançant péniblement, ne sachant comment se relever de l’après-guerre, des GI imposants et sûrs d’eux marchant avec fierté, et des femmes répondant à leurs avances, dans un tableau formant des contrastes saisissants. T. Tokiwa dirige alors son objectif vers ce spectacle qui la fascine. Le cliché emblématique Rojō [Dans la rue, 1954], qui montre des soldats américains en train de flirter avec une Japonaise dans Isezaki-chō, offre une image mémorable de Yokohama sous l’occupation. Au début, T. Tokiwa photographie ces scènes en cachette, mais progressivement, elle s’approche de ces femmes, engage la conversation et finit par obtenir d’elles l’autorisation de les prendre en photo dans leurs chambres.
À partir de 1955, elle entreprend une série de clichés de femmes exerçant différents métiers, qui aboutit en 1956 à l’exposition Hataraku josei [Femmes actives], qui illustrait 14 professions pratiquées par des femmes : vendeuse, mannequin, infirmière, prostituée, catcheuse professionnelle, modèle de nu féminin, danseuse, etc. Les photos des femmes du « quartier rouge », notamment, connaissent un grand retentissement. En 1957, elle publie un recueil qui reprend ces premières photos, entre lesquelles elle intercale de courts essais : Kiken na dokubana [Dangereuses Fleurs toxiques] assure à T. Tokiwa une notoriété qui fait d’elle une professionnelle désormais incontournable. La même année, sur la recommandation du critique d’art Tatsuo Fukushima (1928-2017), elle participe à l’exposition collective Jūnin no me [Dix regards], réunissant de jeunes photographes émergents. Son œuvre retient l’attention, au même titre que celles de Shōmei Tōmatsu (1930-2012), d’Ikkō Narahara (1931-2020), ou d’Eikō Hosoe (1933-2024). En 1959, elle fonde avec 14 autres chasseuses d’images, dont Hisae Imai (1931-2009), Joryū Shashinka Kyōkai) [l’Association des femmes photographes], qui tient sa première exposition la même année.
T. Tokiwa continue par la suite à observer et à photographier les travailleuses du sexe de Yokohama. Entre 1956 et 1957, elle les suit à l’hôpital départemental de Byōbugaura ou à la clinique de Magane-chō lors des examens réguliers qu’elles doivent subir pour dépister les maladies sexuellement transmissibles. En 1957, avec l’entrée en vigueur de la Loi sur la prévention de la prostitution, T. Tokiwa se rend dans une « maison de redressement » où les prostituées sont confinées, et s’inquiète de leur avenir. À partir du milieu des années 1960, elle rencontre des femmes comme Oroku-san, qui travaillent dans les chabu-ya – c’est-à-dire des établissements de plaisir fréquentés par une clientèle étrangère – du quartier de Honmoku, et poursuit son travail d’enregistrement photographique et documentaire de leur vie quotidienne.
Okinawa, une autre région où sont concentrées les bases militaires d’occupation, ne laisse pas T. Tokiwa indifférente, qui y effectue un long séjour en 1959, alors que l’archipel est encore sous administration américaine, pour fixer sur la pellicule des vues des installations militaires, mais aussi la vie quotidienne des habitants et les fêtes locales. Elle présente le fruit de son travail dans une exposition intitulée Okinawa no Bikushō [Amers sourires d’Okinawa] la même année au Fuji Photo Salon de Ginza à Tokyo. T. Tokiwa se rend à plusieurs reprises à Okinawa par la suite, continuant d’immortaliser les paysages et les scènes de ces îles du Sud.
De 1962 à 1965, elle produit la série télévisée Hataraku Joseitachi [Femmes actives], élargissant ainsi son champ d’activité. À partir des années 1960, elle contribue activement au développement de la photographie au niveau local, en tant que membre de l’Association des beaux-arts de Yokohama, dont une des activités est l’organisation d’expositions sur appel à participation, et en tant que membre du jury de ce genre de manifestations. Sur le tard, elle occupe les fonctions de présidente de l’Association des photographes du département de Kanagawa et du Club photographique Yomiuri de Kanagawa. Ses œuvres sont aujourd’hui entrées dans les collections du musée des Beaux-Arts de Yokohama, du musée de la photographie de Tokyo (TOP Museum), du musée préfectoral d’art de Yamaguchi, du musée de l’histoire de la ville de Yokohama, entre autres.
Une notice réalisée dans le cadre du programme « Traces du futur : femmes photographes du Japon »
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