Critique

Nicola L., artiste inclassable

21.10.2017 |

Vue d’installation, Nicola L.: Works, 1968 to the Present

Le SculptureCenter (New York) présente pour la première fois une exposition consacrée au travail de l’artiste et cinéaste française Nicola L.1 à travers une rétrospective sobrement intitulée Nicola L.: Works, 1968 to the Present.

Nicola L., artiste inclassable - AWARE Artistes femmes / women artists

Vue d’installation, Nicola L.: Works, 1968 to the Present

Quasi inconnue aujourd’hui en France, Nicola L. apparaît telle une pionnière qui, dès le début des années 1960, a pratiqué indifféremment plusieurs médiums : la sculpture, la peinture et le collage, tout en s’essayant à la performance et au film. Au début de sa carrière, elle partage son temps entre la capitale française et Ibiza, devenant proche des nouveaux réalistes et d’artistes comme Marta Minujín et Alberto Greco. C’est à la fin des années 1970 qu’elle décide de s’installer à New York et de résider au fameux Chelsea Hotel, où elle vit toujours actuellement.

L’exposition offre une vision complète de l’œuvre de Nicola L. et permet au visiteur de s’immerger rapidement dans son univers ludique et coloré, mais surtout inclassable. Ruba Katrib – commissaire de l’exposition – a choisi d’organiser le parcours sans souci de chronologie, mêlant les pièces les plus emblématiques et des pièces moins connues qui révèlent le goût de l’artiste pour l’art conceptuel et son profond intérêt pour l’activisme politique et féministe.

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Vue d’installation, Nicola L.: Works, 1968 to the Present

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Vue d’installation, Nicola L.: Works, 1968 to the Present

Ses œuvres, de formes très diverses, dues à une pratique pluridisciplinaire, laissent toutefois transparaître un thème commun : le corps humain. Tour à tour, Nicola L. s’amuse à le démanteler puis à le reconstituer en lui donnant parfois une nouvelle fonction, celle d’objet. C’est ainsi que l’on peut observer un pied géant faisant office de canapé (White Foot Sofa, 1968), des lèvres et un œil devenus lampes (The Lips Lamp et The Eye Lamp, 1969) ou encore des commodes et une table figurant des courbes féminines (La Femme commode, 1969-2014, et La Femme Coffee Table, 1969/2015). À la frontière entre l’œuvre plastique, la sculpture et l’objet de design, ces pièces – résolument nouvelles pour l’époque – sont définies par l’artiste sous le terme d’« art fonctionnel ». Elles lui permettent de sortir des codes artistiques établis et de déjouer, avec humour, les stéréotypes de genre.

Dans cette recherche d’un autre rapport au corps, deux œuvres2 appartenant à sa série la plus connue – les Pénétrables – attirent notre attention. Baptisée ainsi par le critique d’art français Pierre Restany, cette série regroupe des silhouettes étranges réalisées dans une matière imperméable et dans lesquelles le spectateur peut entrer grâce à des orifices moulés pour recevoir la tête, les bras et les jambes. Nicola L. développe alors l’idée de l’œuvre d’art que l’on pourrait expérimenter physiquement comme une seconde peau et, par extension, le concept de « pénétration dans l’art ».

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Nicola L., Performance documentation compilation, 2017

Ce rapport au corps, qu’elle n’a cessé d’interroger pour mieux le comprendre, prend une autre direction dans la dernière partie de l’exposition par l’intermédiaire d’un montage vidéo de la performance The Red Coat: Same Skin for Everyone3. Reprenant le principe des Pénétrables, Nicola L. propose aux participants de s’insérer dans une grande cape collective, de couleur rouge, qui peut accueillir une dizaine de personnes. Cette œuvre révèle comment le vêtement change notre façon de bouger, d’agir, de vivre et, par essence, la manière qu’a notre enveloppe extérieure d’influer sur notre personnalité.

Grâce à une programmation audacieuse, majoritairement dédiée aux artistes femmes au cours de ces dernières années, l’institution new-yorkaise remet en lumière l’œuvre à la fois joyeux, engagé et multiple d’une artiste hors du commun restée trop longtemps invisible aux yeux du grand public.

Nicola L.: Works, 1968 to the Present, du 18 septembre au 18 décembre 2017, au SculptureCenter (New York, États-Unis).

1
D’origine française, Nicola L. est née en 1937 à Mazagan au Maroc ; formée à l’académie Julian et à l’École des beaux-arts de Paris, elle choisit le patronyme L. par volonté de ne pas porter le nom de son père ou de son mari.

2
White Screen for Three, Homage to Alberto Greco (1975-2014) et Sun and Moon Giant Penetrables (2012).

3
Cette performance a été créée pour la première fois en 1969, au festival de l’île de Wight, pour accompagner les musiciens Gilberto Gil et Caetano Veloso. La vidéo nous présente la même performance réalisée dans divers pays et sur une période de presque vingt ans.

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