De gauche à droite : Chemin du Montparnasse, © Margot Montigny/AWARE ; Portrait de Oluwatobiloba Ajayi, © Oluwatobiloba Ajayi ; Design par Lisa Sturacci studio, © AWARE: Archives of Women Artists, Research & Exhibitions
Dans le cadre du programme de résidence dédié à la recherche sur les artistes photographes et vidéastes femmes et non binaires, AWARE accueillera l’artiste et écrivaine Oluwatobiloba Ajayi à la Villa Vassilieff de janvier à avril 2026.
Dans son projet de recherche intitulé Land to Light On: Black Feminist Representations of Landscape (Terre à éclairer : représentations féministes noires du paysage), Oluwatobiloba Ajayi examinera les représentations du paysage dans la photographie et le cinéma par plusieurs artistes femmes de l’Atlantique Noir.
Pour les femmes noires, le paysage n’est pas uniquement un lieu de liberté. Son omniprésence est liée à l’histoire de l’exploitation coloniale, de l’esclavage dans les plantations et du déplacement forcé des populations noires à travers les continents. Pourtant, malgré ces faits historiques, de nombreux travaux traitent le motif photographique et cinématographique du paysage comme espace de liberté et d’exploration permettant de se comprendre soi-même par rapport à l’étendue du monde naturel.
Les photographes et vidéastes Carrie Mae Weems, Dionne Lee et Zina Saro-Wiwa abordent le paysage comme un réceptacle des traumatismes raciaux et écologiques subis par les femmes noires, le corps féminin noir servant de lieu supplémentaire de connaissance géographique. Au cours de cette résidence, O. Ajayi reliera les œuvres phares de ces artistes : de la série Roaming (2006) de C. M. Weems, réalisée pendant son séjour à l’Académie américaine de Rome, à Table Manners (2014-2016) de Z. Saro-Wiwa, qui présente des habitant·es du delta du Niger en train de manger. Contre l’idée que les femmes noires sont exclues des paradigmes géographiques ou faussement associées à l’urbanité de manière exclusive, elle cataloguera ces œuvres et confrontera leurs connotations contradictoires.
En abordant cette ambivalence de manière critique, ses recherches examineront comment le paysage, l’environnement et la nature agissent comme une force génératrice, fournissant un terrain fertile pour la construction de la féminité noire. O. Ajayi s’intéressera également à la présence photographique des femmes noires. Comment les femmes représentées deviennent-elles les sujets, et pas seulement les objets, du regard des spectateur·bices ? Comment résistent-elles au poids de l’histoire en insistant pour se déplacer à travers le paysage ? Ces questions guideront ses recherches à la Villa Vassilieff.
Le titre de son projet, Land to Light On: Black Feminist Representations of Landscape (Terre à éclairer : représentations féministes noires du paysage), est tiré d’une œuvre de la poétesse et romancière Dionne Brand, qui exprime sa désillusion face au paysage : « renoncer à la terre pour se poser dans la lumière ». Son espoir est de rétablir la relation entre les femmes noires et la terre en reconstruisant une terre où elles pourront poser leurs valises.
Oluwatobiloba Ajayi est une artiste et écrivaine basée à Londres. Elle est titulaire d’une licence en architecture (Université de Princeton) et d’une maîtrise en histoire de l’art (Courtauld Institute of Art), où elle s’est spécialisée dans l’Art Noir britannique d’après-guerre. Influencée par les théories anti-, post- et décoloniales, ses recherches portent sur l’importance de l’espace dans les pratiques créatives féministes noires. Son travail s’articule autour de la question suivante : quels nouveaux cadres critiques pour comprendre l’art, l’architecture et la subjectivité émergent lorsque la créativité des femmes noires est considérée comme centrale dans la production de l’espace ? Ses écrits ont entre autres été publiés dans The Architectural Review et The Brooklyn Rail et Worms. Elle a participé à de nombreuses expositions collectives, dont, récemment, Amphiphrasis (words as objects) : Oluwatobiloba Ajayi et Theresa Hak Kyung Cha à la Broodthaers Society of America à New York (2024) et Manifold Lagos à Alára (2024). Oluwatobiloba Ajayi a publié des textes sur l’urgence de la satire noire, la cartographie en tant que pratique décoloniale et l’absence d’archives dans un contexte de recherche sur des histoires transgenres.
Cette résidence a reçu le soutien de la Fondation d’entreprise Neuflize OBC.