Photo de gauche par Deborah Jack, design par Lisa Sturacci studio, © AWARE : Archives of Women Artists, Research & Exhibitions
« Beyond the Archives and Vodou Iconography : Luce Turnier, A Feminist Modernist in Haiti and Paris » et « A Violent Sublime: Women’s Articulation of and unsettling societal order » sont les projets de recherche de Jerry Philogene et Sihle Motsa, lauréates de la première édition du programme Marie-Solanges Apollon. Ce programme, soutenu par l’artiste Manuel Mathieu, vise à promouvoir la recherche sur les pratiques artistiques transculturelles, en s’inspirant des concepts d’Atlantique noir de Paul Gilroy et de Sud Global. Un nouvel appel sortira en été 2024.
« Félicitations aux premières lauréates du programme Marie-Solanges Apollon ! Ces recherches sont fondamentales à la préservation et l’émancipation de notre imaginaire collectif. J’espère que ce programme contribuera à mettre en lumière et à encourager la précieuse contribution de ces chercheuses à l’échelle internationale. »
Manuel Mathieu, artiste
• Lauréate de la résidence de recherche : Jerry Philogene
Le projet « Beyond the Archives and Vodou Iconography : Luce Turnier, A Feminist Modernist in Haiti and Paris » de Jerry Philogene, situe l’artiste haïtienne Luce Turnier (1924-1994) en tant qu’artiste engagée dans l’expérimentation visuelle et les nuances esthétiques du modernisme noir. Les portraits abstraits, monochromes et aux tons sourds de femmes haïtiennes de la classe ouvrière, ainsi que les natures mortes, les paysages et les dessins de L. Turnier capturent l’esthétique, les formes symboliques et matérielles d’Haïti, inspirés en partie par sa formation artistique aux États-Unis et à Paris. L’examen de l’œuvre de Turnier par J. Philogene porte une attention particulière à son utilisation de la pose, de la gradation des couleurs, de la forme et de la représentation pour souligner le pouvoir et la potentialité de ses portraits en tant que provocateurs conceptuels d’une éthique féministe au sein des pratiques esthétiques formelles modernistes et de la nature complexe de la représentation des personnes noires. L’analyse interdisciplinaire et transnationale de la pratique de L. Turnier par Jerry Philogene remettent en question le récit centré sur ses homologues hommes dans l’art haïtien moderne. Au-delà, ce projet s’inscrit dans le cadre de l’histoire sociale de l’art et de l’histoire de l’art féministe noire, ainsi que dans le cadre d’une fouille archivistique de la vie et des pratiques créatives d’une artiste haïtienne sous-représentée. J. Philogene s’intéresse également aux interactions culturelles et aux liens entre L. Turnier et les différents artistes africain.es et caribéen.nes qu’elle a rencontré.es lorsqu’elle vivait et travaillait à Paris dans les années 1950 à 1970.
Jerry Philogene est professeure associée et directrice du programme d’études noires au Middlebury College. Avant de rejoindre Middlebury, elle était professeure associée au département d’études américaines du Dickinson College, où elle s’est spécialisée dans l’histoire culturelle interdisciplinaire américaine, l’histoire de l’art et les arts visuels des Caraïbes et de la diaspora africaine, avec un accent sur les Caraïbes francophones. J. Philogene est également curatrice indépendante. En 2023, elle a coorganisé avec Katherine Smith l’exposition Myrlande Constant: The Work of Radiance sur les œuvres textiles contemporaines de l’artiste haïtienne Myrlande Constant au Fowler Museum, UCLA. J. Philogene a reçu une bourse de la Fondation Andy Warhol pour la critique d’art en 2020 pour le manuscrit de son livre The Socially Dead and Improbable Citizen: Visualizing Haitian Humanity and Visual Aesthetics.
• Lauréate de la bourse de recherche : Sihle Motsa
Le projet de recherche « A Violent Sublime : Women’s Articulation of and unsettling societal order » que Sihle Motsa développe en tant que bénéficiaire de la bourse Marie-Solanges Apollon porte sur les mythologies générées par la configuration éco-politique du KwaZulu-Natal, province sud-africaine, à travers la pratique artistique de Noria Mabasa (née en 1938). Les œuvres sculpturales de N. Mabasa, intitulées Carnage One et Carnage Two, ont été créées en tant qu’hommage à la population du KwaZulu Natal qui a fait face à une dévastation provoquée par des inondations torrentielles en 1987. Ces œuvres, lorsqu’elles sont approchées avec respect pour l’étendue cosmogénique africaine et une compréhension intuitive des facteurs géopolitiques qui façonnent et influencent les dynamiques des identités noires, peuvent être reconnues comme une lecture perspicace de la qualité sublime de la violence et de la dégradation écologique dans le KwaZulu-Natal. Le travail de Sihle Motsa s’intéresse aux questions politiques et écologiques et s’interroge sur la manière dont les représentations de N. Mabasa incarnent la nature cyclique à la fois de la violence et de l’injustice climatique.
Sihle Motsa est historienne de l’art et travailleuse de l’art ayant obtenu une maîtrise en histoire de l’art à l’université de Witwatersrand. Elle a travaillé comme conférencière, chercheuse et écrivain, rédigeant des textes pour le Daily Maverick, Artthrob, Atlantica Contemporaries, entre autres. De plus, elle a organisé des expositions portant sur une variété de thèmes, notamment les cultures matérielles noires, les pratiques écologiques vernaculaires, et les expressions artistiques des femmes noires. Actuellement, elle poursuit un second master au département d’études historiques de l’université de Cape Town.
Le comité de sélection de l’édition 2023-2024 du Programme Marie-Solanges Apollon a été composé de :
Françoise Vergès, autrice, curatrice indépendante, militante féministe décoloniale, Senior Fellow Researcher au Sarah Parker Centre for the Study of Race and Racialization, UCL.
Francoise Vergès publie sur les après-vies de l’esclavage et du colonialisme, la décolonisation des musées et des arts, le féminisme décolonial, le capitalisme racial. Sa dernière publication s’intitule : Programme de désordre absolu, Décoloniser le musée (2023).
Marie-Ann Yemsi, consultante en art contemporain et commissaire d’exposition indépendante.
Marie-Ann Yemsi développe des projets pluridisciplinaires à l’intersection des arts visuels, de la performance, de la danse, de la musique et de l’écriture. Ses recherches et ses expositions s’intéressent aux pratiques artistiques collaboratives ainsi qu’aux formes expérimentales, notamment celles développées par des artistes femmes depuis les différentes perspectives du Sud global, mettant en avant les thématiques de la mémoire, de l’histoire, du genre et des identités en lien avec les enjeux politiques, sociaux et écologiques du monde actuel.
Ainsi que Nina Volz et Louise Thurin pour AWARE.